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LA PEQUENA Y EL ALTO

LA PEQUENA Y EL ALTO
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6 janvier 2009

A TOUS LES DEFAITISTES, DESABUSÉ(E)S ET AUTRES PESSIMISTES...

Premier Festival mondial de la digne rage

L'AUTRE POLITIQUE, CELLE DE LA DIGNE RAGE.

1. Rage, rage, rage.

Rage comme celle des jeunes en Grèce dans les dernières semaines. Rage face à la violence de la police, rage face aux bas salaires et au manque de chances de s’en sortir.

Rage aujourd’hui face au massacre des Palestiniens par l’armée israélienne à Gaza. Rage face aux cinq ans de tuerie et de destruction en Irak.

Rage, rage ici, tous les jours. Rage face à la répression d’Atenco et aux cent douze ans de prison infligés à Ignacio del Valle. Rage face au viol des compañeras qui luttent pour une vie digne. Rage face à la violence quotidienne de la police. Rage face à la destruction des forêts. Rage face au racisme, rage face au fossé obscène entre les revenus des riches et la misère des pauvres, rage face à l’arrogance des puissants. Rage parce qu’ils sont en train de transformer un pays magnifique en un pays pourri, un pays où vivre, c’est vivre dans la peur.

Rage parce que ce n’est pas seulement le Mexique, mais le monde entier qui pourrit, qu’on est en train de détruire. Rage parce que nous vivons dans un monde fondé sur la négation de l’humanité, la négation de la dignité. Rage parce que la seule façon de survivre est de se vendre. Rage parce que la crise de ce système se traduit par plus de pauvreté, plus de violence, plus de frustration.

2. Rage, rage, rage. La rage brise. La rage brise la victime. Avant l’explosion de rage nous sommes victimes, victimes du système capitaliste. Tout ce que nous pouvons faire en tant que victimes c’est de souffrir, de demander des changements, de formuler des revendications. En tant que victimes, nous avons besoin d’un leader, d’un parti. En tant que victimes nous espérons un changement dans le futur, une révolution dans le futur.

Par le cri de rage nous rompons avec ça, nous disons : « Non, nous ne sommes pas des victimes, nous sommes des humains, ça suffit de vivre comme ça, ça suffit de souffrir ! Nous n’allons plus rien demander à personne, nous n’allons plus formuler de revendications, nous n’allons plus attendre la révolution dans le futur, parce que le futur n’en finit pas d’arriver. Nous allons changer les choses ici et maintenant. »

Rage, digne rage. La rage anticapitaliste est une digne rage, parce qu’elle rompt avec la condition de victime, parce qu’elle porte déjà le désir d’autre chose, d’un monde différent, parce que derrière les cris et les barricades il y a autre chose, la construction d’autres rapports sociaux, la création d’une autre façon de faire, d’une autre façon d’aimer.

3. La rage est le seuil de la dignité. Mais la rage seule n’est pas suffisante parce qu’elle ne crée pas encore les fondations d’un autre monde, qu’elle ne crée pas encore la base pour résister à la réintégration au capitalisme. Elle ouvre la porte à une politique radicalement autre, à une façon de faire radicalement différente, mais le plein développement de la digne rage ne signifie pas seulement le cri de « Non, nous n’acceptons pas, nous ne nous soumettons pas ». C’est aussi le « Nous allons faire autre chose, nous allons vivre d’une manière qui ne colle pas avec le capital. Nous luttons contre le capitalisme non seulement avec des manifestations et des pierres mais aussi (et peut-être surtout) en construisant autre chose. Nous luttons contre le capitalisme en vivant le monde que nous voulons créer. »

Ça suffit ! Ça suffit de vivre comme ça, de créer tous les jours un système qui est en train de nous tuer. Mais derrière le ¡Ya basta ! zapatiste, il y a autre chose, sans lequel le zapatisme n’aurait pas la force qu’il a. Derrière l’urgence du ¡Ya basta ! il y a une autre temporalité, la temporalité du « Marchons, ne courons pas, parce que nous allons très loin ». Le noyau du zapatisme, c’est la construction patiente d’un autre monde, la création ici et maintenant d’autres rapports sociaux. Les communautés zapatistes du Chiapas luttent contre le capitalisme en vivant le monde qu’elles veulent (et que nous voulons) créer. Elles luttent contre le capitalisme en allant au-delà du capitalisme. C’est ça, la digne rage.

Les zapatistes ne sont pas les seuls, évidemment. La digne rage existe partout. Elle existe dans tous les lieux et tous les moments où les gens disent « Non, nous n’allons pas accepter la domination du capital, ou de l’argent, nous allons faire autre chose ». Parfois c’est sur le Non qu’on met l’accent, parfois, c’est sur la construction d’autre chose. Parfois, c’est la rage qui s’exprime le plus clairement, parfois c’est la dignité, mais il importe de reconnaître l’unité, les lignes de continuité entre les deux types de lutte. C’est pourquoi la tolérance, l’antisectarisme doit être l’élément central de n’importe quelle politique de la digne rage. Nous voulons rassembler les deux aspects, la rage et la dignité, et la seule façon de le faire est de respecter les différentes formes de lutte.

4. La dignité n’est pas la dignité des victimes, mais celle des sujets actifs (et des sujettes actives). La politique de la digne rage, c’est-à-dire l’autre politique, est un cheminement qui laisse en arrière la politique des victimes, la politique des revendications, la politique des constantes dénonciations, la politique de leaders, de partis et d’État. La digne rage nous met au centre. Nous, hommes et femmes, créons le monde avec notre créativité, notre activité. C’est nous aussi qui créons le capitalisme qui nous tue : c’est pour cela que nous savons que nous pouvons arrêter de le créer. C’est aussi nous, hommes et femmes, qui créons la crise actuelle du capitalisme, ou plutôt c’est nous qui sommes la crise du capitalisme.

Il est important d’insister là-dessus parce que la crise constitue une menace très sérieuse pour l’autre politique. La crise nous tire vers la vieille politique de la gauche, vers la politique de la victime, la politique des revendications.

Il y a essentiellement deux façons de parler de la crise. La façon la plus évidente est de rejeter la faute sur les capitalistes et le capitalisme. La crise est la démonstration de l’échec du capitalisme. Il nous faut une révolution. Il faut faire la révolution de la façon la plus efficace possible. Et pendant ce temps, nous devons demander plus d’emploi, plus de dépenses sociales, des subventions pour les pauvres et non pour les riches. La compréhension de la crise comme leur crise à eux nous ramène à la politique de la victime, des revendications, de la révolution future.

L’autre façon, c’est de dire que non, ce n’est pas comme ça : c’est nous les responsables de la crise, et ce n’est pas que nous ayons à faire la révolution, car nous sommes déjà en train de la faire, et la crise est l’expression visible du fait que nous sommes en train de la faire. Le capitalisme est un système de domination, de subordination. Et de surcroît, il dépend d’une subordination toujours plus absolue de la vie au travail aliéné. S’il ne parvient pas à imposer cette subordination totale, il entre en crise ouverte.

Nous, hommes et femmes, nous sommes les insubordonnés, nous sommes la crise du capital. La grande crise de 29 a été le résultat de la vague d’insubordination qui s’est exprimée dans la révolution russe. La crise d’aujourd’hui est le résultat des vagues d’insubordination des quarante dernières années. La crise dans les deux cas est une crise masquée, masquée par l’expansion du crédit qui cache le lien entre l’insubordination et ses conséquences et donne à la crise de production l’apparence d’une crise financière. L’expansion du crédit est une sorte de pari sur l’exploitation future du travail, c’est-à-dire sur la subordination future de notre activité, un pari que le capital est en train de perdre. Nous sommes l’insubordination qui est la crise du capital, et nous n’allons pas nous subordonner.

Il vaut mieux assumer notre responsabilité. Ça nous aide à comprendre notre force : nous ne sommes pas les éternels perdants ; notre rébellion, notre insubordination, notre dignité sont en train de secouer le système. La crise du capital est l’expression de la force de notre dignité. Alors il ne faut pas regarder la crise comme l’écroulement du capitalisme, mais comme l’éruption de notre dignité, la naissance d’autre chose, d’autres rapports sociaux, des rapports sociaux fondés sur la dignité, sur la digne rage.

Le défi de l’autre politique est de renforcer ce processus, cette création d’un autre monde. Il ne peut être question de demander plus d’emploi ou plus d’État, parce que ceux-ci signifient le renouvellement de la subordination au capital. Nous ne demandons rien à personne, nous développons plutôt ici et maintenant l’insubordination créative, en étendant le plus que nous le pouvons les moments et les espaces où nous disons : « Nous n’allons pas nous subordonner aux injonctions du capital, nous allons faire autre chose, nous allons encourager l’aide mutuelle, la coopération, la création, contre le capital. » Ce n’est pas facile, ce n’est pas évident, mais c’est la direction dans laquelle il nous faut marcher, explorer. Avec rage, mais avec une rage qui ouvre d’autres perspectives, qui crée d’autres choses, une digne rage.

C’est en (se) posant des questions qu’on avance.

John Holloway

Mexico, Iztapalapa, Lienzo Charro, le 28 décembre 2008.

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6 janvier 2009

"LE CARACOL" L'ESCARGOT QUI AVANCE DOUCEMENT MAIS SUREMENT

" LA REALIDAD " deuxiéme etape zapatiste, un caracol dans la selva LACANDONA près de la frontière guatemaltéque et du parc national de Montebello. Depuis San Cristobal, deux colectivos (camionettes) et un taxi nous conduiront a Comitan puis a Marguaritas, la ville la plus proche du caracol. Encore 4 heures de route debout à l'arrière d'un camion betaillère entassés parmi les compañeros et compañeras et leurs provisions de la semaine qu'ils rapportent au village. Apres deux bonnes heures sur une route goudronnée en lacet, nous nous enfoncons en forêt par une piste parfois si défoncée, qu'il faut descendre pour alleger le vehicule et eviter de renverser ! Moi, je ferme les yeux et j'attends que ca passe !..
Arrivé devant les portes grillagées nous nous présentons au poste de vigilance pour demander l'entrevue obligatoire auprès de la "junta del buen govierno". On nous fera attendre d'abord quelques heures, puis les trois jours qui suivront !!..Finallement cette longue attente nous permettra, en plus de desesperer!, de nous impregner des lieux, le calme, le rythme de vie et le climat tres doux. Nous observons les tâches quotidiennes, le lavage du linge au ruisseau, le lavage du mais, le ramassage et le sechage du café, les jeux des enfants qui nous tournent autour et les railleries des ados tres amusés par la taille de Daniel, a moins que ce ne soit par la mienne !!.

Autour de ce caracol, cohabitent tant bien que mal les zapatistes et P.R.Istes. En effet nous remarquerons une certaine hostilité a notre egard dans certaine partie du village, il nous faut donc rester dans le campement separé du village et du caracol dont l'entrée nous est aussi interdit !! Ici tres peu de visite, le temps de route et les conditions de transport sont assez dissuasives !! Avec nous une ethnologue italienne qui vient pour etudier la manière dont la justice est appliquée au sein de l'organisation.

Nous finissons par obtenir notre entrevue avec la " JUNTA" qui s'excuse pour l'attente et nous explique le peu de temps qu'ils ont a nous consacrer, en raison de nombreuses reunions cette semaine. Nous expliquons comme nous l'avions fait a Oventik, ce pourquoi nous sommes ici et s'il y a un moyen de nous rendre utile. Pour la premiere fois on nous interroge a propos de notre engagement au sein des Faucheurs Volontaires et l'on nous permettra d'en expliquer en details l'organisation, les objectifs et les types d'actions. Moment d'echanges tres interessant autour d'une lutte commune. Bien sur, même si ici, on se positionne clairement contre les transgeniques, il faut bien comprendre qu'il y a d'autres matous a fouetter, de dangereux matous armés jusqu'aux dents !!...
Nous obtiendrons une derniere entrevue avant notre depart qui nous permettra de poser quelques questions sur l'organisation de ce caracol.


Les premiers occupants de cette zone se sont installés il y a 100 ans. Ces paysans se consacraient pour beaucoup a l'élevage des cochons, puis dans les années 75 à la culture du café, du mais, des "frejoles" ( haricots ). Les productions sont individuelles, mais les terres restent la proprieté de l'ensemble del " Ejido" ( Un "ejido" c'est 20 familles qui occupent et la travaillent des terres depuis plus de 2 ans).
Deja on s'organise autour de syndicats, mais ce n'est qu'en 1983 que la REALIDAD, rentre dans l'organisation EZLN (Armée Zapatiste de Liberation Nationale), pour commencer un long travail qui aboutira aujourd'hui à une parfaite autonomie politique.   

EN GROS COMMENT ON S'ORGANISE ET COMMENT CA FONTIONNE.
A la base, les "comunidades" qui pourraient être nos communes. Celles-ci se regroupent pour former les "municipios" ( nos cantons)  qui sont au nombre de 4 ici, et le tout forme "la zona"  (notre prefecture) representé par les caracols qui sont les centres administratifs, de services (ecoles, poste de santé ou cliniques) et de formation, où la "JUNTA DEL BUEN GOVIERNO" est l'autorité executive. 

LES AUTORITÉS:
*Tous les membres des differentes autorités sont elus en Ass. Générale pour 3 ans en deux equipes qui se relaient tous les quinze jours. Le principe etant que toutes personnes volontaires en charge de responsabilités ( tout comme les promoteurs de santé et d'education), ne recevant pas de salaire, puissent rejoindre regulierement leur foyer afin d'assurer leur propre subsistance et celle de leur famille.

*Les autorités sont au service du peuple, elles appliquent et veillent a faire appliquer les lois, les accords decidés et votés en A.G par l'ensemble de la communauté, hommes et femmes dès l'âge de 15 ans. Si durant ces votes, une minorité se degage, elle sera attentivement ecouté et l'on reevaluera, modifiera les decisions en fonction des arguments avancés.

*" Los comisariados" ou "comisariadas" et les "agentes municipios" ou " agentas municipios" sont les representants de l'autorité au niveau des "comunidades" en contact directe avec le peuple. Leurs charges consistent à veiller à l'ouverture des chemins et à leur entretien, à prendre connaissance des propositions, des reflexions des membres de la communauté, mais aussi des éventuels problèmes. Problèmes relationels conflictuels, vol ou tout autre non respect des lois(des accords).
Si un conflit existe, les autorités en informent l'ensemble de la communauté en A.Extraordinaire, oú il s'agira de determiner les tors occasionnés et de faire appliquer l'accord se rapportant au cas à traiter. Dans celui d'un vol, le coupable paiera le prejudice estimé par la victime et paiera la même somme aux autorités qui l'utilisa au profit de l'ensemble de la communauté. Le coupable peut aussi être en devoir de realiser des travaux d'interêt généraux, qui consistent presque toujours à l'ouverture des chemins, et durant ce laps de temps (un mois ou plus selon la gravité des faits) il vivra isolé de son milieu familial.
*Le conseil de vigilance veille au bonne relation entre les differentes "comunidades" et en particulier au bon respect des délimitations des parcelles. En cas de conflit, elle informera les autorités des "comuniudades" concernées qui proposeront de debattre sur le problème en A.G.  En cas de problème grave qui risquerait de prendre des proportions trop importantes en A.G, les autorités doivent parvenir entre elles, à un accord satisfaisant.
*Chaque fin de mois les autorités de chaque "comunidad" se reunissent en A.G pour faire connaitre les travaux effectués et en cours.
*" Los agentes" et "agentas" ont aussi la charge de tenir les registres d'état civil ( naissances, mariages et décès).
*"La Junta del Buen Govierno" gère l'ensemble des "minicipios" de la "zona", le travail administratif, les services, les formations des promoteurs de santé et d'educations, et les intervenants exterieurs.

Malheureusement, le fait de venir en tant qu'" independientes", laissera quelques unes de nos questions sans reponse, rendra difficile l'obtention d'entrevue et expliquera notre "isolement" des villages et du "caracol".
Cela ne nous empeche nullement de voir que tout semble fonctionner. Les postes a responsabilités sont tres serieusement tenus et la mixité y est respectée, personne ne prend une decision a titre personel, les reunions sont en effet tres regulieres et beaucoup y participent, les formations des promoteurs sont parfaitement suivi, 15 ans apres le debut de l'autonomie, le niveau d'education et de santé dans les "caracol" est supérieur a celui des autres communautés indigenes.

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Les jours nous semblent de plus en plus court maintenant,  nous n'aurons que le temps de visiter un troisieme caracol appellé " la garrucha". La bas, record battu, nous avons attendu un entretien avec la "Junta del buen Govierno" durant une semaine !. Assez de temps pour pofiner un serieux questionnaire. Pas de bol, le lendemain de notre arrivé,  de nombreux zapatistes deboulent pour assister a des réunions qui se poursuivront durant trois jours. Notre questionnaire restera sans reponse, la "Junta" etant debordée !!

A notre retour a San Cristobal, nous nous consacrerons au "1er festival de la digna rabia" ( digne rage) une rencontre mondiale des organisations ou mouvements qui se reconnaissent dans cet apel lancé par EZLN, a l'occasion de la 25 eme année de son existence et du 15 eme anniversaire du soulevement zapatiste.

A lire absolument ce qui suit, l'intervention du Philosophe John Holloway, excellent texte d'introduction a ce rassemblement des "dignes rages" du monde entier.... On attend vos reactions.

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Ce rassemblement aura lieu a Mexico city, dans un premier temps, puis a Oventik (caracol ) le 31 et 1er janvier pour la partie festive, puis les 2,3,4 et 5 a San Cristobal.
                                     
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Daniel et Celine a San Cristobal de las Casas.

CHIAPAS

22 décembre 2008

(..) AFIN DE PARTAGER PLUS LOIN QUE LA MER, LES VERITÉS QU'ON ETOUFFE(...)

Horizon Colombie (III)

Colombie, le monde paysan résiste à L’État Narco-Capitaliste

EMOREJ Archibald

Le problème du partage des terres et la contre-réforme agraire permanente instituée par l’État colombien sont la source principale de violence en Colombie, et ce depuis l’indépendance. 0,4% des propriétaires possèdent 61,2% des terres rurales selon des chiffres officiels, et ce fossé ne cesse de se creuser. Barrancabermeja, une des villes principales de l’État de Santander dans le région du Medio-Magdalena, concentre tous les problèmes et toutes les horreurs infligés au monde paysan en même temps qu’elle offre un paysage presque complet des acteurs et victimes de la violence en Colombie : Multinationales, paramilitaires, armée nationale, populations paysannes déplacées et guérillas.

Barrancabermeja, État de Santander, Colombie. 2008.

La ville de Barrancabermeja.

C’est une ville de près 300 000 habitants, tristement célèbre pour ses massacres de la fin des années 90 lors de la prise de la ville par les paramilitaires (900 morts pour les seules années 2000-01). Grand centre de production de pétrole, l’immense raffinerie se voit quelque soit l’endroit où vous vous trouviez dans la ville, avec ces cheminées brulantes qui montent au ciel, répandant dans l’air humide l’odeur caractéristique de la combustion. Ecopetrol, société colombienne qui gère l’or noir du pays est détenue, sans surprise dans ce pays vendu aux puissances étrangères, en majorité par des consortiums étrangers, nord-américains, espagnol et anglais. Aujourd’hui, malgré la loi de démobilisation, les groupes paramilitaires sont plus que jamais les maitres de la ville. Sous de nouvelles appellations, comme les aigles noirs ou les autodéfenses gaitanistes de Colombie, ils participent au nettoyage sociale de la ville. Le nettoyage sociale, ici, consiste à assassiner les jeunes des quartiers populaires pour ôter à la population toute envie de se plaindre de sa condition et de rejoindre un quelconque mouvement social. Durant les fins de semaine une dizaine de jeunes sont régulièrement assassinés, la moyenne étant de une exécution par nuit. La police, qui couvre les agissements de ces tueurs, parle de règlements de compte entre bandes ou de crimes passionnels. Les associations de défenses de droits de l’homme, les mouvements sociaux, ceux qui montent des pièces de théâtre ou des ateliers de break-dance, la fédération féministe comme les syndicats reçoivent chaque semaine des fax et courriers de ces groupes paramilitaires où ces derniers promettent de « nettoyer la ville des chiens gauchistes, des syndicalistes, des pédés, des prostitués, des jeunes drogués, des professeurs de danse homos et de toute cette racaille de guérilleros ». J’ai pris soin de corriger les fautes lors de la traduction, parce que ces paramilitaires, normalement groupes illégaux de puis la démobilisation de 2004 (loi Justicia y Paz) sont presque illettrés. Leur barbarie n’a d’égal que leur basse morale, et j’ai ici écouté l’histoire de ses escadrons de la mort qui découpent les gens à la machette, laissant à côté des corps dépecés une pile de cotes humaines.

Barrancabermeja c’est un port sur le Magdalena, principalement port pétrolier, mais aussi petit port pour les campesinos qui essaient tant bien que mal de vivre de leurs récoltes. La ville a bien changé ces dernières années, point de mire des multinationales pour ses conditions parfaites pour la monoculture intensive, palme africaine et cane à sucre, ses gisements de charbon et d’or, les commerces de biens importés ont remplacé l’économie locale et les grands centres commerciaux poussent comme des champignons vénéneux. Enfin, cette ville c’est aussi l’histoire des ses associations et syndicats qui luttent au péril de leur vie, durement touchés par la répression, ne comptant plus les morts, les tortures et les disparitions forcées dans leurs rangs, qu’ils soient syndicalistes, acteurs sociaux, associations de défense des paysans ou fédérations féministes. Depuis 2004, 18 de ces acteurs de la défense des droits des travailleurs, de l’homme et de la femme ont été assassinés.

Le monde paysan : organisation et répression.

On ne peut décemment pas traduire les mots campesinos et/ou campesinas par paysan. Cette traduction littérale perd tout le sens, la spécificité et l’histoire de ces communautés. Rien à voir avec le paysan de Zola, pas plus qu’avec l’activiste José Bové. Les campesinos colombiens sont soumis par la loi, historiquement la réforme agraire n’a jamais existé. Le gouvernement libéral d’Alfonso López Pumarejo (1934-1938) avait pourtant initié une réforme agraire pour sortir le pays du système du latifundio, c’est à dire de la concentration de la terre dans les mains de l’oligarchie. Mais ces lois de la Terre votées en 1936 furent simplement annulées avec l’assassinant du leader populaire Jorge Eliécer Gaitán en 1948 qui marqua le début de la pénétration violente du capitalisme moderne et sauvage (mais le capitalisme peut-il être autre chose qu’une forme sauvage de société ?). Les campesinos sont donc une population délibérément opprimée par tout les gouvernements, et jusqu’à ce jour aucune réforme agraire juste et réparatrice n’a été appliquée. Depuis l’intensification du conflit interne des années 1960-70, ils sont soumis à des déplacements forcés, non seulement du fait de la guerre civile, mais aussi et surtout pour satisfaire les appétits du grand capital et des grands propriétaires terriens. Comme dans toute guerre civile, les campesinos apparaissent dès lors comme potentiellement tous membres de la guérilla paysanne, et les exécutions extrajudiciaires, les meurtres de masses, les tortures, les déplacements de population, et la stigmatisation de toute tentative d’organisation du monde paysan sont depuis lors un fait établi et répété. Aujourd’hui, les moyens mis en place par l’État, machiavéliques et brutaux, empêchent tout simplement le monde paysan de s’organiser, de bénéficier des droits élémentaires et de vivre en paix.

1. Histoire rapide de l’organisation du monde paysan.

L’Amérique centrale et l’Amérique du Sud partagent la triste histoire du saccage de leurs terres et l’injustice de la concentration de la terre dans les mains de l’oligarchie. La colonisation espagnole s’est d’abord servie de la main d’œuvre indienne pour l’extraction de l’or et de l’argent, exterminant la population indigène qui est passée de 90 millions à 3, 5 million en un siècle et demi. Les filons épuisés, les vastes terres agricoles se sont ensuite converties en latifundio pour la monoculture de denrée à destination des centres capitalistes de l’époque, mais surtout elles sont devenues les tombeaux des déportés de la terre africaine. Production de café, de sucre, de coton, de caoutchouc ou de fruits dans de grands camps d’esclaves dirigés par les blancs. Tous les conflits nés pour la réforme de cette structure ont laissé des martyrs et les noms à citer sonnent encore aujourd’hui comme une lutte quotidienne : Zapata, Sandino, Arbenz, Castro, Allende,... D’un bout à l’autre du continent ils ont tous lutté et luttent tous pour une réforme de la propriété de la terre. Il ne faut pas oublier que les trois quart des compagnons d’arme de Fidel Castro sur la Granma étaient des paysans. En Colombie, aidés par les idéologues communistes et certains libéraux radicaux, Marulanda et Arenas ont lutté depuis Marquetalia et avec la formation de la guérilla des FARC-EP pour cette réforme agraire et pour la protection des paysans. La guérilla des FARC-EP, guérilla sans aucun doute possible politique et paysanne, a surgi, justement, pour défendre le droit de ces communautés. On se rappelle que Marquetalia fut en fait la première reserva campesina, gérée par les paysans pour le droit à la terre et à la vie. Depuis l’écrasement de cette commune indépendante, les gouvernements successifs colombiens n’ont jamais cherché à régler le problème de la terre, comme ils n’ont jamais imaginé améliorer la vie des paysans. Seule la confrontation brutale a été choisie, et ce n’est pas le Plan Colombie ou ses successeurs du Plan Patriot qui annonce un changement de stratégie. Simplement, compte tenu de la composition paysanne des FARC-EP, pour l’armée chaque campesino est un guérillero en puissance et cela explique le déni total de droit et les violations quotidiennes de ces derniers de la part de l’État et de sa force armée, légale ou illégale.

2. Répressions actuelles du monde campesino.

La coca, un problème social.

Le projet des gouvernements successifs d’Alvaro Uribe a été la libéralisation extrême de toutes les ressources du pays et la vente de ses terres aux multinationales étrangères. Il ne fait aucun doute que le stade ultime serait la disparition totale du monde paysan, reléguant ces derniers au rang de simples salariés des grandes monocultures et sapant la base de la guérilla paysanne. La production nationale de fruits et légumes est en chute libre, l’importation de denrées alimentaires de base ne cesse d’augmenter, au même rythme qu’augmente l’exportation de cocaïne. Parlons-en car après tout la Colombie reste dans l’imaginaire collectif comme le seul pays de ce trafique-là, évidemment à tort. La pauvre petite feuille de coca, élément si important de la culture indigène, serait depuis plus de trente ans la responsable de tous les cataclysmes et toutes les catastrophes. Elle n’est en fait qu’un prétexte (juteux pour qui la contrôle) dans ce projet de destruction du monde paysan au profit du latifundio et des multinationales. La coca est devenue un problème social par décision de l’État colombien. C’est-à-dire que parmi les multiples moyens de criminaliser le monde paysan, les pointer comme éléments de base du trafique mondiale de cocaïne est une pièce de ce puzzle machiavélique. Pourtant, eux, ces paysans de la terre, n’ont strictement rien à voir avec les caciques et les parrains entourés de prostitués de l’imaginaire des narcotrafiquants. Ce sont des hommes et femmes de la terre qui ne pouvant pas cultiver fruits et légumes, par faute de terre à cultiver en paix, par faute de moyens d’écouler la marchandise, à cause des déplacements répétés et des assassinats des paramilitaires et de l’armée, sont réduits à cultiver la coca comme seul moyen de subsistance. Les plantations sont protégées car la coca, elle, se vend. Dans ces vastes territoires contrôlés et quadrillés par l’armée, où pas une dizaine de guérilleros ne peut descendre sous peine de déchainer bombardements, échanges de tirs et de mortiers, à tel point que les paysans qui passent par là tombent comme des mouches sous les balles perdues, là où les vedettes de l’armée patrouillent sans relâche sur les fleuves, c’est extrêmement suspect que jamais un intermédiaire de ces narcotrafiquants ne soit abattu ou fait prisonnier, que jamais une cargaison de coca ou pâte de coca ne soit interceptée, que jamais un laboratoire ne soit démantelé. Parfois, oui parfois cela arrive et toujours, dans ce cas, cela est présenté comme appartenant à la guérilla. Sont-ils invisibles ces narcotrafiquants pour passer inaperçus dans la zone la plus militarisée du monde ? Sont-ils donc plus agiles que les indiens et plus aguerris que ceux qui ont passé 70 ans à lutter dans la montagne, sont-ce dans les cabarets de la capitale et dans les salons du palais présidentiel qu’ils apprennent ces tours de magie ?

Embargo sur les aliments et les services publics.

Les gouvernements successifs n’ont jamais rien fait et ne font rien pour développer le monde paysan. Aujourd’hui le taux d’alphabétisation est de 10%. Pour ceux qui savent lire et écrire très rares sont les moyens de s’instruire ou de s’informer. Les services publics dans les campagnes sont quasi nuls, de l’éducation nationale à la collecte des déchets. Pas d’hôpitaux ou de centres de soins, pas d’entretien des routes et chemins, pas de service de transport par le fleuve. La seule présence de l’Etat est son armée tentaculaire. Outre de laisser les paysans dans un état de soumission et d’empêcher ainsi toute structuration sociale, l’état pratique le blocus d’aliments. C’est-à-dire qu’il est impossible de transporter le fruit d’une récolte sans demander une autorisation au commandant responsable de la zone avec un document clair de la destination, du marché ou de la ville. Au temps où les groupes paramilitaires étaient légaux, il fallait demander une autorisation aux commandants du secteur pour tout transport de marchandise. Devenus illégaux, l’armée nationale c’est substituée à cette stratégie. Administration kafkaïenne qui rend impossible le commerce des récoltes, toujours avec cet argument massue que le destinataire pourrait être la guérilla. De même les médicaments et autres biens ne rentrent qu’au compte-goutte et les contrôles de l’armée séquestrent toutes les denrées. Cette stratégie tend à s’alléger, question d’image, au profit de celle de l’abandon des voies d’entretiens dont l’état de délabrement rend impossible le commerce de proximité, les paysans étant obligé de s’organiser eux-même pour entretenir les voies de communications, temps volé sur leurs heures de travail hebdomadaire. Cette stratégie n’a pour but, encore une fois, que d’affamer le monde paysan, le décourager et le forcer à se déplacer vers les centres urbains ou les zones de monoculture pour vendre sa force de travail aux esclavagiste modernes.

Fumigation et Plan Colombia.

Le plan Colombie, depuis les années 2000 et avec l’aide des Nord-américains, a initié la terreur de la fumigation au prétexte d’éradiquer les plantations de coca. La firme Monsanto, macabre connaissance pour être le fabricant de l’agent orange pendant la guerre de ces mêmes Nord-américains au Viet-Nam, vend aujourd’hui à la Colombie le glyphosate, dérivé de son herbicide phare le RoudUp, un produit qu’il assure non toxique pour les mammifères comme pour l’environnement. La Colombie est le seul pays au monde à pratiquer la fumigation. Après presque une décennie de lutte anti-drogue, cette stratégie est un échec retentissant. Premièrement les chiffres officiels annoncent une réduction de 20% seulement de la surface des plantations. Deuxièmement la production a elle augmenté grâce à l’introduction d’une plante de coca transgénique nettement plus productive. Écrire dans le même paragraphe coca transgénique et Monsanto ouvre des perspectives d’investigations aux conclusions terrifiantes. Les trafiquants de drogue, s’ils possèdent l’argent en quantité, ne sont pas réputés pour être de grands biologistes en génie génétique au point de créer en quelques années une plante nouvelle par le biais d’une technique que la plus grande et plus puissante firme en génie génétique a mis des décennies à maitriser. Je dois également livrer ici un élément des plus troublants dont la véracité ne tient, pour l’instant, qu’aux recoupements de très nombreux témoignages. De nombreuses plantations de coca seraient résistantes aux fumigations, à l’instar du soja transgénique de Monsanto qui résiste à l’herbicide Roud Up. Une plante de coca transgénique résistant à l’herbicide de Monsanto ? L’étique de l’information, fut-elle révolutionnaire, ne me permet pas pour l’instant de dépasser le stade de la question, mais l’enquête est en cours. Ce qui est sur, c’est que les paysans eux sont victimes de ces fumigations, que les sols sont contaminés et inutilisables (sauf à acheter les semences résistantes de Monsanto !?), et que de plus en plus de terres sont laissées à l’abandon et rachetées par les grandes multinationales. Demain, comme au Viet Nam, les problèmes de santé augmenteront, non seulement pour le monde paysan mais pour toute la Colombie. La fumigation est un crime contre la population colombienne, et si les Etats-Unis veulent interrompre le trafique de cocaïne qui est en majorité destiné à leurs narines bourgeoises, qu’ils s’intéressent au blanchiment de cette argent sale qui se fait à plus de 90% dans leurs banques, il ne serait pas si stupide de répandre du glyphosate au-dessus du béton de Wall Street plutôt que dans les campagnes luxuriantes de Colombie.

Leçon d’une résistance campesina : ACVC (Asociacion Campesina del Valle del rio Cimitarra)

La théorie reste un concept vide tant que la pratique n’y est pas associée. Toutes ses informations et témoignages directes sont des cadeaux de grandes valeurs de tous ces colombiens et colombiennes qui luttent malgré la terreur d’État et qui partagent avec le sourire ces vies tragiques pour que cela se sache et que les morts ne soient pas vains. A Barrancabermeja, dans un appartement transformé en bunker, avec portes de sécurité et caméra de surveillance, travaillent les campesinos de l’ACVC (Asociacion Campesina del Valle del rio Cimitarra). Depuis douze ans et la création de la reserva campesina del Valle del rio Cimitara (Loi 160 de 1994 validé par un acte juridique en 2003), cette association défend les droits des campesinos, droit à ne plus être déplacés, droit à jouir du bénéfice de la terre et finalement rien de moins que le droit de vivre. La réserve compte 300 000 hectares et environs 30 000 paysans la peuplent. Dans cette réserve, il n’y a pas un hôpital, pas un collège pour les enfants, tout juste quelques écoles sans professeur attitré, qui viennent ou ne viennent pas. Une vereda est un petit village paysan, Caguï est l’un de cela, perdu sur la rive du fleuve Cimitarra, fleuve affluent du Magdalena. Depuis Barrancabermeja il faut compter une heure et demie de pirogue à moteur avant d’arriver à la lagune San Lorenzo où semble dormir paisiblement Cagüi. Défile alors toute la beauté du Magdalena Medio, ses oiseaux à gorges bleues, ses plantations de bananes ou de mais, ses petites maisons isolées aux toits de tôle et murs faits de planches de bois, parfois on croise des pêcheurs, parfois d’autres pirogues, et souvent on se sent très loin des problèmes qui pourtant sont ici présent plus qu’ailleurs.

Arrivé à la Vereda, Oscar Duque est là ; ce fier paysan d’une cinquantaine d’année, un des leaders de ACVC qui comme plusieurs de ses compagnons sort juste de prison où il a passé de long mois suite à un montage juridique visant à décapiter l’association. Mais il est là, toujours, comme les autres. Deux des compagnons sont eux toujours en prison en attente d’un éventuel procès (Andrés Gil y Miguel González Huepa). Pour tous ils sont des exemples, et ici à Caguï on respecte les hommes fiers et droits dans leurs bottes de campesinos. Avec Humanidad Vigente, un association juridique qui accompagne est protège de nombreux mouvements de résistance, non seulement ici mais aussi dans les États du Catatumbo ou de l’Arauca, il s’agit de réaliser un atelier sur la nécessité de défendre la réserve et plus encore l’occasion de connaître et valider les droits des campesinos. C’est lors d’un de ces ateliers, dans une vereda un plus éloignée (Villanueva), que l’armée à rafler le 19 janvier 2008 la plupart des leaders de ACVC. A Cagüi il y a l’électricité depuis un an, parfois cela fonctionne, parfois non. Il y a beaucoup d’enfants, curieux et dynamiques, plus vifs et plus téméraires qu’à la ville, plus endurcis, et la vérité c’est qu’à 14 ans ici on est déjà un homme. Tous vivent de la culture de la coca. Un campesino me montre ses mains et ses pieds brulés par la fumigation. Le médecin de la ville a confirmé le diagnostique et rien de plus, alors lui est revenu à la vereda, inutile, puisqu’il ne peut plus serrer les poings et donc tenir d’outil pour travailler la terre. Après la douche du matin à l’unique tuyau d’eau courante du village, l’atelier commence. Il faut finalement attendre midi parce que se déplacer est toujours compliquer ici, à cause des routes inexistantes et de l’armée qui patrouille. C’est l’occasion de partager les expériences et de confronter les problèmes. Les campesinos, malgré leur isolement déterminé par l’absence de toute politique publique sont au fait, mieux que personne, de la véritable situation du pays. Certains remettent en question les luttes et les marches de protestation ; l’un d’eux remontent jusqu’au début des années 80 et avoue qu’il ne participe plus à rien parce que à chaque fois, après quelques jours ou quelques semaines d’absence pour participer aux manifestations régionales ou nationales, il retrouve ses champs dévastés par l’armée ou les paramilitaires. Ils se plaignent de l’arrivée des semences terminator (stériles) des grandes firmes, offertes gratuitement et qui les laissent ensuite sans rien pour semer l’année suivante, sans autre choix que d’acheter de nouvelles graines aux même multinationales. Ils voudraient tous une coopérative pour vendre les produits de la terre et arrêter de cultiver la coca. Ils voudraient des crédits pour développer l’élevage bovin dans la réserve, pour pérenniser une boulangerie, pour soutenir la petite fabrique qui utilise la cane à sucre. Et surtout ils ne veulent plus se déplacer. Certains l’ont étaient jusqu’à sept fois. A chaque fois poussés par les militaires et paramilitaires, parfois comme raconte Oscar, en courant sans rien laisser derrière soi, et ce n’est pas une image, parce que les paracos sont derrière le bosquet. Alors l’importance est capitale de préserver la réserve, un droit légitime et constitutionnel arraché de longue lutte. Les discussions s’étendent tard dans l’après-midi dans la chaleur humide du Magdalena Medio. Il faut se partager ceux qui savent écrire pour coucher sur de grandes feuilles les conclusions du jour avant que la nuit tombe.

Le soir autour du repas de yucca et de poissons frits, personne n’est dupe du projet des gouvernements et de la situation : « ils veulent faire de nous des salariés de misère comme les coupeurs de cane à sucre ! » ; Le soir autour d’une tasse de café se racontent les histoires d’ici ; les amis qui ont sauté sur des mines anti-personnel que les paramilitaires disséminent dans les champs, les balles perdues, les incendies criminels jamais résolus dans la réserve, les compagnons qui ne reviennent pas et que la brigade du coin affirme avoir tué lors de combat contre la guérilla, les vers dans la viande qu’on sert au prisonnier politique et les jeunes qui sont partis à la montagne. Partir à la montagne, al monte, cela veut dire rejoindre la guérilla. Il n’y a pas de meilleur endroit, ici, au milieu des campesinos, pour faire la part du vrai et du faux sur la guérilla. Il faut savoir écouter et lire dans les yeux quand ils parlent de leur guérilla. Bien sur que c’est une guerre et que dans une guerre les soldats tuent et meurent, les civils sont en premières lignes et les erreurs de jugement sont des tragédies. Bien sur. Mais la guérilla, en nombre, est plus forte que jamais, parce que c’est la meilleure chance de survie pour un jeune, homme ou femme, et parce qu’ici, au cœur de la tragédie colombienne, il n’y a aucun doute sur le droit à l’insurrection. Je sais d’un campesino de ACVC qui a tenu a me parlé longuement de la guérilla, afin de partager plus loin que la mer les vérités qu’on étouffe, que la guérilla est d’une grande valeur morale, qu’aucun paysan ne la craint et que la justice rendue sur son territoire est toujours respectueuse des campesinos.

La situation de la réserve del Valle del rio Cimitarra est des plus précaires. Sa légitimité constitutionnelle a été balayé par un décret de Alvaro Uribe arguant de mouvement de la guérilla, ce qui est infirmé par tous les concernés, puisque celle-ci s’est repliée depuis quelques années du fait de son infériorité militaires et tactiques face aux technologies Nord-américaines importée du Plan Colombia. L’armée a pris position et les dérapages n’ont pas tardé. La situation c’est encore dégradée en 2007, quand à la suite de l’assassinat par l’armée d’un jeune paysan, comme toujours ensuite déguisé en guérillero, plus de 350 paysans ont fui pour se déclarer en campement humanitaire. ACVC a courageusement gérer la situation et contacter les autorités. Des représentants de l’État sont passé, et même le président Uribe, histoire de serrer quelques mains et de passer au journal du soir comme un président à l’écoute du peuple, et qui n’a pas peur d’aller dans les zones rouges. Pourtant la situation n’a pas évolué. Ou plutôt si, quelques mois après, les principaux leaders de ACVC, ceux la même qui avaient négocié avec le gouvernement et ses représentants ont tous été incarcérer. Mais les campesinos résistent, et cette fois n’ont, ils ne fuiront pas, ils défendront la réserve, leur droits et leur leaders. Rien de mieux à ajouter que le slogan de ACVC : ACVC défend la réserve paysanne, défendons ACVC !

En conclusion il ne faut pas se tromper sur l’enjeu majeur des luttes paysannes, en Colombie comme dans les autres pays mal nommés en voie de développement. La stratégie capitaliste laisse derrière elle des hécatombes humaines et une destruction irréversible de la planète. Il ne s’agit pas seulement d’un combat régional de telle ou telle communauté mais bien d’une lutte internationale contre le saccage des ces multinationales et de leurs collaborateurs locaux. Les consortiums alimentaires détiennent dans leurs mains la macabre possibilité de réduire l’humanité à néant en quelques décennies ; la famine gronde déjà et la loi des armes impose le silence sur ce trafique insensé ; on meurt de faim dans les campagnes les plus riches du monde, on meurt d’épidémies suspectes liées à des produits imaginés dans les usines des pays du Nord ; la crise économique, la crise alimentaire, et pourtant toujours les mêmes têtes et les même remèdes, bien loin de la solution pourtant évidente, une révolution qui atteindrait tous les domaines, dans le but de construire un monde meilleur.

Archibald EMOREJ

pour Le Grand Soir http://www.legrandsoir.info

12 décembre 2008

A FAIRE ROUGIR UN AGENT D'LA D.D.E.!!

salut a tous

Nous arrivons ce 21 novembre a OVENTIK, PB231495caracol le plus proche de San Cristobal et le plus visité.
Passage obligé a l'officine de " la junta del buen govierno " devant cinq personnes cagoulées.
Ca met dans l'ambiance !!PB281582

On se presente mutuellement et on explique la raison de notre venue. Nous parlons de ce que nous faisons en France dans le milieu militant et de notre vision d'un monde plus juste, plus equitable
et solidaire. Le message  passé, nous exprimons notre souhait de rester ici quelques jours pour donner un peu de notre temps a la communauté. Apres un long, long deliberé, on nous convoque a nouveau pour nous dire qu'a la clinique il y a tres certainement quelques taches qui pourraient nous convenir.
Ravis, nous nous y rendons immediatement, mais les locaux sont vides, personne pour nous renseigner. Apres de longues, longues heures d'attentes, on nous attribue une cabane pour passer la nuit, demain sera un autre jour !

La premiere nuit (comme celles qui suivront) fut glaciale et nous ne regrettons pas les deux couvertures achetées la veille au marché de San Cristobal. Le lendemain, apres la douche froide (pour eviter le changement brutal de température !!) nous nous rendons de nouveau a la clinique. Mais les lieux sont desesperement vides et le promoteur de santé toujours absent. Finallement, a force de mendier!, Daniel decrochera un p'tit boulot, quelques briques a ranger le long d'un mur !.PB281534
Par bonheur, sous les briques, un caniveau bouché !! Daniel s'y jette a corps perdu et parviendra en 3 jours et avec les quelques moyens du bord, a nettoyer et a fabriquer un magnifique petit bac de decantation !, a faire rougir un agent de la  DDE !!  Au quatrieme jour, quelques jeunes s'affairent autour d'une nouvelle tienda (boutique). On fabrique des volets et une dalle devant l'entrée. L'occasion toute revée pour Daniel de mettre la main a la pate.

La semaine passera ainsi entre petites occupations, farnienté et quelques echanges parfois difficiles, en raison de l'idiome parlé ici, le Tzotzil, que nous ne connaissons pas. Nous rencontrons un bon nombre de visiteurs venus de l'hexagone avec lesquels nous echangeons et completons nos connaissances "zapatistiques" !!.PB291590

Oventik est a 3200 m d'altitude, et outre les températures assez fraiches des la tombée du jour et le brouillard qui parfois daigne se lever, la vie semble plutot paisible et agréable. Ces superbes peintures sur les murs des cabanes et des batiments communautaires, le paysage montagneux qui nous entoure, les sourires chaleureux et beinveillants que nous croisons, les jeux et les rires des enfants,TOUT Y EST ! ...PB231483

Mais ne nous y trompons pas, nous sommes bien en etat de guerre...une guerre silencieuse et sournoise,la guerre dite de " basse intensité ". Ainsi l'entrée du camp est gardée jour et nuit et aucun étranger n'y penetre et n'y sejourne sans autorisation. Une fois entré, interdiction de sortir et de déhambuler dans la campagne environnante. PB281538

On sait que l'armée gouvernementale est postée tout autour d'ici, qu'elle surveille la zone en permanence s'adonnant a de nombreuses provocations, intimidations, violentes repressions et propagandes anti-zapatiste. Par exemple, le gouvernement verse des aides aux campesiños du P.R.I (partido.revolucionario.institucional), (tout est dit !!!) pour accentuer le fossé entre eux et les zapatistes.
Nous prenons aussi connaissance de graves et violentes repressions de la part des paramilitaires du P.R.I, et de la police gouvernementale. A lire ces articles trouvés sur
http://cspcl.ouvaton.org/
CSPCL (Comité de Soutien du Peuple du Chiapas en Lutte) .

                       DANIEL et CELINE Autour du 10 decembre, a San Cristobal

Déclaration du Conseil del Buen Govierno "Corazón del Arcoiris de la Esperanza"

*Violences d’un groupe de

paramilitaires du PRI contre

les bases zapatistes de l’ejido Santa

Rosalia

Conseil de bon gouvernement de Morelia Corazón del Arcoiris de la Esperanza

Le 15 novembre 2008.

À l’opinion publique mexicaine et internationale,
Aux Autres Moyens de communication alternatifs, mexicains et étrangers,
Aux organisations indépendantes des droits humains,
Aux compañeras et compañeros de la Sexta et de l’Autre Campagne de notre pays, le Mexique,

et du monde, Frères et sœurs,
Compañeros et compañeras,

Nous, Conseil de bon gouvernement du Caracol de Morelia, nous prononçons en ce qui concerne

les regrettables événements survenus le 10 novembre 2008.

Premièrement. Nous protestons énergiquement contre les actes de violence et les menaces

commis par les membres du PRI et paramilitaires, qui ont entraîné des violences dans l’ejido Santa Rosalía,

dépendant de la région « Nuevo Amanecer Emiliano Zapata », Commune autonome Lucio Cabañas.

Deuxièmement. Le 10 novembre 2008, à 5 heures du matin, trois de nos compañeros, dont le nom est :

1. Armando Hernández Pérez ;
2. Mario Gómez Díaz ;
3. Mardonio Gómez Díaz ;

ont été appréhendés par un groupe de personnes affiliées au PRI de l’ejido Santa Rosalía,

commune officielle de Comitán de Domínguez, État de Chiapas, dont le nom est :

1. Cristóbal Díaz Gómez, du commissariat de l’ejido, porteur d’une arme de calibre 22 à canon double ;
2. Marcelino Gómez López, du conseil de surveillance, porteur d’une arme de calibre 22 à un canon ;
3. Fidencio Hernández Jiménez, secrétaire de l’agent municipal, porteur d’une arme de calibre 22

à canon double ;
4. Caralampio Hernández López, trésorier du conseil de surveillance, porteur d’une arme de poing

de calibre 22 à 17 coups ;
5. Julio Gómez Sántiz ;
6. José Gómez López, porteur d’une arme de calibre 22 à canon double ;
7. José Gómez Sántiz ;
8. Domingo Morales Hernández.

Ces personnes étaient accompagnées d’un groupe de membres du PRI, vingt personnes au total.

Nos trois compañeros ont été emmenés à la Maison de l’ejido Santa Rosalía. Ils espéraient pouvoir

trouver une issue pacifique à cette affaire, mais au lieu de pouvoir établir un dialogue raisonnable,

ils ont écopé de coups et d’insultes, les autorités locales se montrant incapables de contrôler leurs gens.

Au lieu de chercher à apaiser le climat de violence, ils furent les premiers à sortir leurs armes pour menacer

nos compañeros. À l’arrivée de nos compañeros à l’ejido, à la hauteur de la demeure de notre compañero

Carmelino Gómez Velasco, un autre groupe de membres du PRI d’environ soixante personnes est apparu. Les dénommés :

1. Javier Gómez Sántiz ;
2. et Armando Méndez Hernández ;

ainsi que le dénommé Marcelino Gómez López, se sont mis à frapper nos compañeros et à proférer injures

et insultes à leur encontre. C’est ainsi que plusieurs de nos compañeros et compañeras de l’ejido

Santa Rosalía ont accouru pour venir en aide à nos compañeros arrêtés.

Troisièmement. Le dénommé Marcelino Gómez López, appartenant au conseil de surveillance,

porteur d’une arme, a voulu tirer sur notre compañero Juan Carlos Gómez Díaz, l’arme s’étant heureusement

enrayée.Nos compañeros et compañeras n’ont à aucun moment fait usage d’armes, contrairement au groupe

de violents, n’employant comme seule défense que la parole raisonnable dans le but de dialoguer et

de rechercher une solution convenable, parvenant même à ôter l’arme à feu à un des agresseurs.

C’est alors que celui-ci, armé d’une machette, a tenté d’en frapper notre compañero Carmelino Gómez

Velasco. Après quoi, le même Marcelino Gómez López a asséné des coups de pied à notre compañera

Claudia Gómez Díaz, qui est enceinte.

Le dénommé Bernardo Pérez López, armé d’un couteau, a voulu blesser notre compañero Sabino

Hernández Pérez. Le dénommé Javier Gómez Sántiz a asséné des coups de pied et traîné par terre

notre compañera Consuelo Hernández Jiménez, menaçant de la violer à tout instant, sans cesser de proférer

des menaces de mort contre notre compañero Carmelino Gómez Velasco.

Le dénommé Armando Méndez Hernández a frappé à coups de pied notre compañera Estela Gómez Díaz,

qui est enceinte, et notre compañera Herlinda Gómez Díaz. Il a aussi menacé de mort notre compañero Ángel Hernández Pérez.

Quatrièmement. Suite à ces coups et à ces tentatives de viol et d’homicide qui ont fait dix blessés

(cinq de nos compañeras et cinq de nos compañeros), les affiliés au PRI ont emmené le véhicule saisi

à l’école de l’ejido, véhicule qui transportait dix douzaines de billes de bois destinées à venir en aide

à notre sœur Matilde Pérez Gómez, qui a perdu son mari, Ernesto Hernández Gómez, le 13 janvier 2008,

assassiné pour avoir défendu ses droits. En effet, suite à ce déplorable événement et sans que justice

ait été rendue, notre sœur est endettée. C’est sur une motion adoptée par consensus par les bases zapatistes

de la communauté Santa Rosalía qu’il a été décidé de lui apporter cette aide, sans lui faire payer le transport, uniquement le combustible du véhicule.

Les responsables de cet homicide sont connus. Il s’agit des dénommés Javier Gómez Sántiz,

Armando Méndez Hernández, Mariano Pérez Hernández, Fidencio Hernández Jiménez et Raymundo

López Gómez et de José Pérez Hernández et son groupe de paramilitaires.

Cinquièmement. Il est très important de signaler que l’un des motifs à l’origine des faits survenus

le 10 novembre est la coupe clandestine de bois, le pillage massif et l’exploitation irrationnelle d’une

poignée de membres du PRI, qui font un usage abusif de la force, soumettant et humiliant les autres

habitants.

Sixièmement. En qualité d’autorités du Conseil de bon gouvernement, et en coordination avec

les autorités autonomes municipales, nous avons cherché à résoudre ce litige par la voie du dialogue,

mais cela n’a pas été possible.

De son côté, le mauvais gouvernement s’acharne à faire usage de violence et de provocation,

car à 13 h 27, le 11 novembre, une voiture de cinq agents de la police municipale de Comitán,

accompagnés d’un fourgon de huit policiers de la région, a surgi à quelques mètres à peine de la

communauté San Caralampio El Edén, chef-lieu de cette région. Les policiers se sont retirés au bout

de quelques minutes.

Le même jour, à 17 h 40, deux autres véhicules emportant quinze agents de la police régionale

chiapanèque et un véhicule emportant cinq agents de la police municipale de Comitán sont apparus.

Le commandant de la police régionale chiapanèque s’est présenté au siège de cette communauté,

San Caralampio El Edén, pour y remettre le formulaire numéroté SSyPC/SSSyPC/3963/2008,

souscrit par Mario Eduardo de León Castillejo, sous-secrétaire à la Sécurité et à la Protection

des citoyens du Chiapas, document accompagné d’une copie du formulaire nº 6155 daté et signé

par Rubio López, procureur du tribunal de première instance de Comitán, État de Chiapas.

Le 10 novembre, à 17 heures, deux coups de feu d’une arme de calibre 22 ont été tirés à courte distance

du siège de cette communauté.

Le 12 novembre 2008, à 10 heures environ, une commission formée de deux compañeras et d’un compañeros

de notre commune autonome ont remis à l’autorité de cet ejido une invitation écrite à participer à une

réunion dans le but de résoudre cette situation.

De nouveau, la réponse de ces autorités a été la violence, les coups verbaux et physiques,

malgré la présence de l’édile Oscar Eduardo Ramírez Aguilar, maire de Comitán, de Juan Antonio Cocío,

délégué du gouvernement, de Mario Guillén, directeur de la municipalité et d’Enrique Arguello,

hommes politiques, nos deux compañeras ont été tirées par les cheveux, insultées et bousculées.

Les agresseurs étaient Rufina Gómez, épouse du commissaire de l’ejido, ainsi que Cristóbal Díaz Gómez,

Petrona Díaz Gómez et Romelia Díaz Gómez.

Septièmement. En qualité d’autorités autonomes, nous dénonçons une fois encore que les coupes

frauduleuses de bois et le transport clandestins de troncs sont des méfaits commis quotidiennement

et non seulement ponctuellement.

Huitièmement. Notre Conseil de bon gouvernement tient pour responsables de tels faits et de ce qui

pourrait survenir les personnes suivantes, auteurs reconnus :

1. Marcelino Gómez López, du conseil de surveillance ;
2. Javier Gómez Sántiz (actuel employé de la municipalité) ;
3. Armando Méndez Hernández (actuel de employé de la municipalité de Comitán) ;
4. Caralampio Hernández Gómez, agent municipal ;
5. Fidencio Hernández Jiménez, secrétaire de l’agent municipal ;
6. Raymundo López Gómez, préparateur aux sacrements de la religion catholique ;
7. José Pérez Hernández ;
8. Mariano Pérez Hernández ;
9. Cristóbal Díaz Gómez, commissaire de l’ejido ;
10. Jorge Gómez Díaz, préparateur aux sacrements de la religion catholique ;
11. Caralampio Hernández López, trésorier du conseil de surveillance ;
12. Santiago Hernández Gómez ;
13. Sebastián Gómez Díaz, catéchiste de religion catholique ;
14. Julio Gómez Sántiz ;
15. Venancio Díaz Gómez, secrétaire du conseil de surveillance ;
16. Eduardo Gómez Hernández ;
17. Leonardo Hernández Méndez ;
18. Juan Gómez Díaz, président de l’église locale ;
19. Alberto Hernández Pérez ;
20. Eduardo Díaz Gómez.

Ce groupe de paramilitaires est responsable :

Des agressions verbales et physiques commises le 6 août 2006, le dénommé Marcelino Gómez

Lopez ayant brutalement frappé notre compañera Estela Gómez Díaz.

De la tentative d’homicide visant Moisés Hernández Gómez, un enfant âgé de huit ans,

fils de notre compañero Ciro Hernández Gómez, appartenant aux bases de soutien zapatistes ;

le responsable étant Mario Díaz Gómez, frère de l’actuel commissaire.

De la tentative d’homicide provoquée par le dénommé Jorge Gómez Díaz, qui s’est présenté à la

communauté San Caralampio El Edén, chef-lieu de cette région, après le tabassage de nos

compañeros commis dans l’ejido Santa Rosalía quelques heures auparavant, vêtu d’un uniforme,

armé et en possession d’un manuel d’instruction militaire.

En qualité de Conseil de bon gouvernement, nous déclarons :

Que nos communes autonomes en rébellion ne sont pas seules et que notre lutte veut la justice

et une paix véritable.

Que l’une de nos exigences est la terre et que, par conséquent, les membres de nos bases zapatistes

de cet ejido ne peuvent et ne doivent pas être expulsés de cette communauté car ils sont membres

de plein droit de cet ejido et habitants légitimes de cette communauté.

Pendant plus de trois ans, de 2003 à 2007, notre Conseil de bon gouvernement, notre commune

autonome et la direction de l’organisation OCEZ-DI UNOPII, avec la supervision et la médiation de

l’association CORECO, ont largement démontré leur tolérance dans la recherche d’une véritable solution ;

nous avons maintes fois établi le dialogue pour cerner le problème agraire qui existe dans cette

communauté, tenter de parvenir à une régulation et à une distribution équitable en protégeant nos

ressources de bois. Tout cela pour aboutir à ce triste résultat, à savoir, la rupture du dialogue par

les autorités de Santa Rosalía, affiliées au PRI.

Nous exigeons que justice soit faite et que les auteurs matériels et intellectuels de ces actes soient punis !

Nous exigeons que soit rendu le véhicule qui a été saisi, attendu que son propriétaire n’effectuait

pas un commerce ou un fret le jour des faits !

Nous répudions totalement les agissements du mauvais gouvernement, qui voudrait résoudre les différences idéologiques, de partis et culturelles par l’usage de la force publique et par la seule voie de la violence !

Salutations.

Conseil de bon gouvernement Corazón del Arcoiris de la Esperanza,
Caracol IV Torbellino de Nuestras Palabras.

Morelia, Chiapas, Mexique, novembre 2008.

Traduit par Ángel Caído.

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*La police de l’État du Chiapas tue six

paysans tojolabales

désarmés qui participaient à

l’occupation du site de Chinkultic

Venu en aide pour transporter des blessés, Agustín Alfaro est exécuté devant sa compagne et leur enfant;

trois blessés sont achevés par les policiers

Service international pour la paix (SIPAZ)
Bulletin urgent

Chiapas : une opération policière provoque un affrontement et la mort de six indigènes

Le vendredi 3 octobre, une violente opération réalisée par les polices fédérale et de l’État du Chiapas

a pris fin avec un bilan de 6 morts, 17 blessés et 36 personnes arrêtées ; presque tous étaient des

habitants de l’ejido Miguel Hidalgo, situé dans la commune de La Trinitaria, Chiapas.

Le 7 septembre dernier, les ejidatarios (propriétaires des terres communales) ont occupé les ruines

de Chinkultic qui se trouvent face à leur communauté, après avoir décidé que l’ejido administrerait

désormais ce site archéologique maya, proche de la ville de Comitán et des lacs de Montebello.

En réponse, l’Institut national d’anthropologie et d’histoire (INAH), jusqu’alors responsable de l’administration

du site, a présenté une demande judiciaire contre les responsables de l’occupation de Chinkultic

(procès ouvert numéro PGR/CHIS/COM/156/2008). Un processus de négociation avec les autorités

avait alors commencé, la dernière réunion ayant lieu à peine un jour avant l’intervention de la police.

Le 3 octobre, vers 11 heures du matin, une première opération policière a été réalisée :

40 membres de la Police préventive de l’État et de la Police ministérielle sont arrivés à la communauté

en tirant des gaz lacrymogènes et ils sont entrés par la force dans plusieurs maisons. Les membres de

la communauté ont répondu en utilisant des pierres, des bâtons et des machettes, provoquant un premier affrontement.

Vers 17 h 30, environ 300 membres de la Police fédérale préventive (PFP), la Police ministérielle,

l’Agence fédérale d’investigation et la Police préventive de l’État du Chiapas ont à nouveau essayé

d’entrer dans la communauté, provoquant un nouvel affrontement.

Selon le Rapport préliminaire du Centre des droits humains Fray Bartolomé de Las Casas,

Agustín Alfaro Alfaro, originaire d’un village voisin, ainsi que sa femme et un de leurs enfants

en bas âge se sont rendus à Miguel Hidalgo avec leur camionnette pour aider à transporter les blessés

dans l’hôpital le plus proche. Ils ont été interceptés en cours de route par un véhicule de la Police

préventive de l’État qui leur a tiré dessus. Une fois arrêté, les policiers ont demandé aux personnes

de la camionnette de descendre du véhicule et ils ont tué Agustín Alfaro et trois autres personnes

(Rigoberto López, Alfredo Hernández et Miguel Antonio Martínez). La femme d’Alfaro,

Eloisa Margarita Espinoza Morales et son fils sont sortis indemnes, ayant été témoins des faits.

Deux autres personnes (Ignacio Hernández López et Ricardo Ramírez Ramírez), blessées suite à

des coups de feu, ont perdu la vie durant leur transfert à l’hôpital d’Amparo Agua Tinta,

dans la commune de Las Margaritas.

Les 36 paysans arrêtés, qui avaient été emprisonnés à San Cristóbal de Las Casas et à La Trinitaria,

ont été libérés le 5 octobre en échange des armes que les habitants de Miguel Hidalgo avaient

enlevées aux policiers lors de l’affrontement.

Selon le Centre des droits humains Fray Bartolomé de Las Casas, des 17 prisonniers blessés,

six d’entre eux par des armes à feu, deux étaient encore en état grave. Les autorités de leur

côté parlent de 22 blessés : 16 policiers et 6 paysans.

Les autorités de l’État et fédérales ont décidé de remettre 35 000 pesos pour les frais funéraires

et 75 000 pesos d’aide économique pour les personnes qui ont perdu un membre de leurs familles.

Le gouvernement du Chiapas a également signalé cinq policiers comme responsables du massacre

et s’est engagé à punir ceux qui résulteraient coupables d’avoir commis des excès dans la réalisation

de leurs fonctions.

Le Centre des droits humains Fray Bartolomé de Las Casas a réprouvé "énergiquement les crimes

commis par les membres des polices fédérale et de l’État contre les habitants de la

communauté Miguel Hidalgo" et a exigé "du gouvernement fédéral et de l’État du Chiapas,

une enquête non partiale et efficace sur les faits, sanction pour les responsables,

la réparation des dommages matériels et immatériels, des mesures qui permettent des indemnisations

pour la communauté et des mesures de non-répétition qui garantissent que l’exercice de la fonction

publique et l’utilisation de la force publique n’excèdent plus jamais leurs limites".

Il faut finalement ajouter que le 3 octobre une autre opération conjointe entre différents corps policiers

a été réalisée dans les communautés d’Antelá, Nueva Rosita et Nuevo Hidalgo. Depuis le début du mois

Pour plus d’information (en espagnol)

Articles de La Jornada des 4 et 5 octobre : "Tres horas de enfrentamiento entre policías y

campesinos en zona arqueológica de Chiapas".
Rapport préliminaire du Centre des droits humains Fray Bartolomé de Las Casas.
Article : "Le gouvernement du Chiapas signale cinq policiers responsables du massacre de Chinkultic".

SIPAZ

Six morts pour l’expulsion d’un ejido au Chiapas

Ils ont été agressés par des policiers fédéraux et de l’État, selon un représentant de l’ejido.
On rapporte également dix blessés et une trentaine de détenus.

Par Elio Henriquez, correspondant de La Jornada

4 octobre 2008

Ejido Miguel Hidalgo, Chiapas. Des policiers fédéraux et de l’État ont assassiné par balles six paysans

de cet ejido (terrain communal) rattaché à la municipalité de La Trinitaria, contrôlant depuis presque

un mois les ruines archéologiques de Chinkultic, situées à trois kilomètres de ce lieu.

José Velasquez, un des représentants de l’ejido, a déclaré à la presse qu’au cours des faits qui se sont

déroulés dans cet ejido dans la nuit du vendredi [3 octobre], il y a eu plus de dix blessés qui se

rétablissent dans un hôpital de la ville de Comitan et une trentaine de détenus.

On peut observer dans les rues et dans certaines maisons des traces de sang, des douilles usagées

de gros calibres éparpillées et des impacts de balles.

"On dirait que les policiers étaient drogués car ils ont frappé sans discrimination enfants, femmes

et personnes âgées, et ça ce n’est pas juste", a ajouté Velasquez.

Lorsque les quatre premiers cadavres sont arrivés ce samedi matin, les familles des morts ont exigé

que justice soit faite "sinon on la fera par nos propres mains".

Il a informé que les noms des paysans morts sont Ricardo Ramírez Hernández, Ignacio Hernández López,

Rigoberto López Vázquez, Alfredo Hernández Ramírez, Miguel Antonio Martínez y Agustín Alfaro Calvo.

Velasquez a dit que les habitants, avant "l’agression", avaient détenu et désarmé 77 policiers qui étaient

entrés dans la communauté pour soi-disant arrêter les autorités locales ; sept mille personnes vivent

dans cette communauté.

"Ils sont venus nous attaquer sans motif puisqu’ils étaient en pourparlers pour essayer de résoudre

le problème des ruines" qui se trouvent à 9 kilomètres des lagunes de Montebello, a-t-il ajouté.

Il a signalé que les habitants de Miguel Hidalgo s’étaient approprié les ruines car le gouvernement

"les laissaient complètement à l’abandon et parce qu’il est juste que ce soit à nous que reviennent

les ressources de leur exploitation".

Samedi, on pouvait observer au moins huit voitures de police endommagées par les paysans qui,

dans leur colère à la mort de leurs compagnons, se sont jetés sur les agents qui firent feu de leurs

armes et qui furent ensuite sauvés par d’autres officiers la nuit du vendredi.

Publié le 4 octobre 2008 par La Jornada (édition électronique).

Traduction Madelon pour NarcoNews.
Relecture et correction CSPCL.

Chiapas : la guerre invisible

Carlos Fazio

lundi 28 mars 2005.

CHIAPAS : LA GUERRE INVISIBLE

Le rapport du Centre des droits de l’homme Fray Bartolomé de las Casas, qui démontre la responsabilité de l’armée [fédérale mexicaine, ndlr] dans la création de groupes paramilitaires sur le territoire du Chiapas et accuse de génocide l’ex-président Ernesto Zedillo [1994-2000, ndlr], repose, également, la persistance du conflit dans le cadre d’une guerre contre-insurrectionnelle contenue dans le Plan de campagne Chiapas 94 du Secrétariat de la Défense nationale, qui adopte la forme irrégulière d’une guerre de basse intensité, comme stratégie prolongée d’usure contre "un ennemi interne", identifié comme l’Armée zapatiste de libération nationale (EZLN).

Dans une tentative propagandiste pour minimiser, rendre invisible et/ou nier l’actualité du conflit, le gouvernement de Vicente Fox soutient qu’au Chiapas il ne se passe rien et que tout est résolu. Mais bien que les confrontations soient plus rares, et de moindre gravité, le cercle de harcèlement et d’anéantissement monté par l’armée est encore en vigueur dans la région de los Altos, la forêt et la zone nord de l’État [du Chiapas, ndlr].

Les forces fédérales agissent comme une armée d’occupation dans tout le territoire indigène, en combinant des opérations régulières et d’autres irrégulières (tâches de renseignement, guerre psychologique, contrôle de population, harcèlement et menaces). Ce qui explique à la fois la présence organisée et l’impunité de bandes paramilitaires, ainsi que la réarticulation des groupes de pouvoir politique et économique traditionnels, qui dans le passé ont servi de forces de choc anti-zapatistes, parmi lesquels "los autenticos coletos" de San Cristóbal, la famille Kanter à Comitán et le groupe [paramilitaire, ndlr] Paz y Justicia dans la zone nord.

L’absence de tirs ne se montre pas telle qu’elle est : une trêve armée, à laquelle l’État a été contraint pour des raisons conjoncturelles. Cependant, depuis l’offensive militaire du 9 février 1995, l’équipe de Sécurité nationale chargée de planifier et d’exécuter les politiques pour le Chiapas a appliqué des directives de base de la guerre appelée de basse intensité (GBI). Cette doctrine change la nature de la guerre, la rend irrégulière, la prolonge et la transforme en un conflit politico-idéologique. Le manuel d’opérations psychologiques de la CIA au Nicaragua (Omang, 1985) définit que la guerre psychologique est un type d’opération militaire qui est utilisé de préférence pour contrôler de grandes masses ou des territoires.

La dissimulation systématique de la réalité est une des caractéristiques de la guerre psychologique. Toutefois, puisque la GBI se livre de manière non conventionnelle, outre l’utilisation manichéenne de la propagande (ami-ennemi/blanc-noir), elle utilise d’autres méthodes visant à incider sur les comportements collectifs, les conduites et opinions.

Les deux principaux outils complémentaires de la propagande sont l’action civique et le contrôle de populations. L’action civique a comme objectifs d’améliorer l’image des forces armées, de construire un appui populaire à l’effort de guerre et de récolter des renseignements. De manière factieuse, l’"aide humanitaire" est utilisée comme catégorie politiquement neutre et surtout non militaire. Cependant, elle fait partie d’une stratégie globale et contribue à la construction d’un consentement actif. Pour sa part, le contrôle de la population, qui consiste au déplacement de communautés ainsi déracinées de leurs lieux d’origine, a principalement un objectif simple : désarticuler les bases de soutien des insurgés.

La GBI cherche à générer un consensus mais, si elle ne l’obtient pas, elle recourt à la terreur. Le dilemme est de gagner la masse ou de la détruire par un schéma de guerre psychologique (guerre sale) orientée en gros, contre tous ceux qui constituent la base sociale d’appui, matériel ou intellectuel, réel ou potentiel, des insurgés. À défaut d’une justification légale ou politique pour confier à l’armée l’attaque contre la société civile, la tâche est confiée à des appareils clandestins connus comme autodéfenses ou paramilitaires, comme le recommande le Plan de campagne Chiapas 94 de la Sedena (Secrétariat de la Défense nationale). Le paramilitarisme n’est pas, comme on le prétend, une "troisième force" qui agit avec une autonomie propre. Il répond à une stratégie basée sur la doctrine contre-insurrectionnelle classique, qui cherche à confondre, à dissimuler et à cacher les responsabilités de l’État dans les massacres, infractions/crimes/assassinats (delitos de lesa humanidad !) et meurtres sélectifs exécutés par des bandes armées patronnées et contrôlées par l’armée. Reconnaître au paramilitarisme le caractère d’"acteur politique indépendant" implique de retirer sa responsabilité à l’État, et de laisser dans l’impunité laisser libre de responsabilité l’État et dans l’impunité ceux qui le financent, le soutiennent, le conseillent, le justifient. C’est aussi laisser la porte ouverte pour qu’ils continuent à utiliser la terreur.

La preuve que l’absence de tirs n’est pas une indication que le conflit armé a été dépassé, est l’existence de 114 positions permanentes de l’armée dans la zone de conflit. Une trêve armée persiste parce que les deux adversaires sont forts, chacun à sa manière : l’armée fédérale a augmenté son pouvoir territorial et offensif, mais l’EZLN a démontré de l’habilité pour continuer à être forte à la défensive. Dans le cadre de cette guerre irrégulière d’usure, le pouvoir des armes fédérales n’a pas pu mettre en échec, jusqu’à présent, le pouvoir des corps zapatistes avec leurs "juntas de buen gobierno" et leurs "caracoles" [organes d’autogouvernement des communautés zapatistes, ndlr]. Mais il ne faut pas perdre de vue le moment des élections. Il existe des forces pouvant souhaiter relancer une nouvelle escalade de violence au Mexique afin de recréer une atmosphère propice pour le "vote de la peur", dans lequel cas le Chiapas et l’EZLN apparaissent comme l’un des scénarios et objectifs possibles pour monter une grande provocation.

Source : La Jornada, México

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Les paramilitaires de l’Opddic fomentent des provocations contre les zapatistes

Hermann Bellinghausen

vendredi 23 février 2007.

Les paramilitaires de l’Opddic fomentent des provocations contre les zapatistes

Pedro Chulín, leader de l’Opddic, offre son « soutien total » au gouverneur Juan Sabines. Ses protecteurs ont des intérêts dans les ressources forestières, dénonce une observatrice internationale.

San Cristobal de las Casas, Chiapas, 17 février.

L’Organisation pour la défense des droits indigènes et paysans (Opddic) a rencontré une grande facilité à s’étendre dans certaines zones du territoire chiapanèque. Depuis une position politique secondaire, Pedro Chulín Jiménez, « leader moral » (comme le nomme la presse progouvernementale) du groupe, paraît tirer les ficelles de la provocation contre les communes zapatistes.

Député fédéral suppléant d’Elmar Darinel Díaz Solórzano, député du PRI par majorité relative du district 3 d’Ocosingo qui occupe le siège L-449 au Congrès de l’Union, Chulín est devenu député local, conseiller municipal de la commune d’Ocosingo et président de l’organisation qu’il a fondée en mai 1998, un mois à peine après le 11 avril, jour où, à la tête d’un groupe civil armé, conjointement avec la force publique et les agents de l’Institut national de migration, il avait attaqué et détruit le siège de la commune autonome Ricardo Flores Magón dans la communauté de Taniperla, d’où il est originaire.

Il s’est ensuite associé au groupe paramilitaire « fantôme » Mouvement indigène révolutionnaire antizapatiste (MIRA) qui opérait dans les gorges d’Ocosingo depuis le gouvernement intérimaire de Julio César Ruiz Ferro, prédécesseur de Roberto Albores Guillén, lui-même mentor politique de Chulín. La création de l’Opddic l’a conduit à l’activité politique ouverte. Pourtant, les actions violentes de l’organisation se sont généralisées jusqu’en 2002, alors que gouvernaient déjà le président Vicente Fox et le gouverneur [du Chiapas] Pablo Salazar Mendiguchía.

Le 13 juillet 2002, la commune autonome Ricardo Flores Magón prévenait « du risque que se forme et se renforce un nouveau groupe paramilitaire sur ce territoire, avec pour base opératoire l’ejido [forme de propriété sociale de la terre] Arroyo Granizo où un groupe de personnes regroupées dans l’Opddic cherchaient la division et commettaient des délits contre la population. Dirigée par Pedro Chulín Jiménez, leader reconnu du MIRA, cette organisation armée qui a grandi sous la protection de l’armée fédérale et de l’impunité que lui offre le gouvernement, pourrait bien aujourd’hui être protégée sous l’apparence de l’Opddic.

Des semaines auparavant, Arroyo Granizo avait commencé à souffrir d’agressions de personnes appartenant au PRI, quand « les ejidatarios [membres de l’ejido] qui avaient cessé d’assister aux assemblées » ont établi un siège alterné. La première chose qu’ils ont prise a été une prison illégale sur le terrain de l’école communale. Le 29 juin, l’assemblée du peuple a dénoncé : « Les membres de l’Opddic qui se sont autoproclamés autorités de l’ejido sont les mêmes qui commettent des délits dans la communauté : vols, violences sexuelles sur mineurs, menaces, ivresse, consommation de drogues et nuisent beaucoup à notre village. De plus, avec leurs actions, ils divisent notre communauté et tentent de nous faire nous affronter entre frères indigènes. L’assemblée se rend compte qu’ils se sont convertis en un groupe créé par le mauvais gouvernement pour détruire la paix du peuple et de l’ejido. Ils sont aussi les promoteurs du gouvernement pour installer dans nos communautés les politiques du Plan Puebla-Panama qui a été rejeté par l’assemblée générale de l’ejido. »

Dans la communauté de majorité zapatiste et de Xi’nich, les tricolores se sont fait passer pour les autorités de l’ejido, leurs « policiers » utilisent des uniformes militaires et pratiquent des exercices et des patrouilles. En mai de cette année, deux membres de l’Opddic, Alberto Sánchez Gómez et Rosendo Vázquez Mendoza, ont violé séparément deux fillettes de la communauté mais ont « échappé » à la justice, protégés par leur organisation.

En août de cette année, le groupe de Chulín a attaqué le poste de vigilance et la communauté zapatiste de Nuevo Guadalupe Quexil (commune autonome San Manuel) dans ce qui fut la première de plusieurs agressions armées durant cette période, tout en maintenant son noyau dans les gorges de Taniperla et de Las Tazas.

Mais cela a duré jusqu’en 2005, quand il s’est rapproché ouvertement du gouvernement foxiste au travers du commissaire pour la paix Luis H. Alvarez et qu’il s’est approprié la structure priiste à Ocosingo, Altamirano et Chilón, que l’Opddic est passée à l’offensive, violentant son propre parti en période électorale. Un chroniqueur également tricolore accusait en 2006 : « Chulín s’est perdu dans sa propre ambition personnelle et le plus grave, c’est que désormais, peu lui importe d’exposer les indigènes d’Altamirano pour les confronter physiquement avec les miliciens de l’EZLN » (Erisel Hernández Moreno, Chiapas Hoy, 8 mai).

Mais ça a porté ses fruits. Ce 14 février, Pedro Chulín a confirmé ses choix progouvernementaux en déclarant à la presse locale : « La politique avec laquelle Juan Sabines Guerrero a commencé à gouverner est la plus appropriée, et nous nous y joignons, nous, les indigènes qui recherchons un futur meilleur pour le Chiapas. » En tant qu’organisation indigène et paysanne, il a ajouté : « Nous offrons notre soutien total au nouveau gouvernement ; nous voyons à l’intérieur de nos communautés le calme et le travail, conséquences du développement et c’est pour cela que nous n’avons aucun doute en nous joignant au projet. »

L’observatrice internationale Mary Ann Tenuto Sánchez, connaissant bien la situation dans les gorges depuis plusieurs années, écrit ce matin dans les médias alternatifs : « Ceux qui tirent les ficelles à l’Opddic et qui y injectent de l’argent sont ceux qui ont des intérêts économiques dans les ressources naturelles de la forêt Lacandone : bois précieux (acajou et cèdre), eau (pour générer de l’énergie ou pour mettre en bouteilles), pétrole, écotourisme et biodiversité. »

La Jornada.

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29 novembre 2008

LES ZAPATISTES: POUR CEUX QUI CONNAISSENT PAS ET POUR LES AUTRES

Sixième déclaration de la forêt Lacandone

vendredi 22 juillet 2005.

ARMÉE ZAPATISTE DE LIBÉRATION NATIONALE. MEXIQUE

SIXIÈME DÉCLARATION DE LA FORÊT LACANDONE

Voici notre parole simple qui voudrait arriver au cœur des gens comme nous, humbles et simples, mais, tout comme nous aussi, rebelles et dignes. Voici notre parole simple pour raconter le chemin que nous avons parcouru et où nous en sommes aujourd’hui ; pour expliquer comment nous voyons le monde et notre pays ; pour dire ce que nous pensons faire et comment nous pensons le faire, et pour inviter d’autres à faire le chemin avec nous dans quelque chose de très grand qui s’appelle le Mexique et dans quelque chose de plus grand encore que l’on nomme le monde. Voici notre parole simple pour faire savoir à tous les cœurs honnêtes et nobles ce que nous voulons au Mexique et dans le monde. Voici notre parole simple, parce que c’est notre volonté d’appeler ceux qui sont comme nous et de nous unir à eux, partout où ils vivent et où ils luttent.

I. CE QUE NOUS SOMMES

Nous sommes les zapatistes de l’EZLN. On nous appelle aussi les "néozapatistes". Bien, alors nous, les zapatistes de l’EZLN, nous avons pris les armes en janvier 1994 parce que nous avons trouvé qu’il y en avait assez de tout ce mal que faisaient les puissants, qui ne font que nous humilier, nous voler, nous jeter en prison et nous tuer, sans que rien de ce que l’on puisse dire ne change rien. C’est pour cela que nous avons dit "¡Ya basta !" Ça suffit, maintenant ! Pour dire que nous ne permettrons plus qu’ils nous diminuent et nous traitent pire que des animaux. Et alors nous avons aussi dit que nous voulions la démocratie, la liberté et la justice pour tous les Mexicains, même si nous nous sommes surtout occupés des peuples indiens. Parce qu’il se trouve que nous autres de l’EZLN nous sommes presque tous des indigènes d’ici, du Chiapas, mais que nous ne voulons pas lutter uniquement pour notre propre bien ou uniquement pour le bien des indigènes du Chiapas ou uniquement pour les peuples indiens du Mexique : nous voulons lutter tous ensemble avec tous les gens humbles et simples comme nous et qui sont dans le besoin et subissent l’exploitation et le vol de la part des riches et de leur mauvais gouvernement, ici dans notre Mexique et dans d’autres pays du monde.

Et alors, notre petite histoire, c’est que nous en avons eu assez de l’exploitation que nous faisaient subir les puissants et que nous nous sommes organisés pour nous défendre et pour nous battre pour la justice. Au début, nous n’étions pas beaucoup, quelques-uns seulement à aller d’un côté et de l’autre, à parler et à écouter d’autres comme nous. Nous avons fait ça pendant de nombreuses années et nous l’avons fait en secret, sans faire de bruit. C’est-à-dire que nous avons rassemblé nos forces en silence. Nous avons passé dix ans comme ça et après nous avons grandi et vite nous avons été des milliers. Alors nous nous sommes bien préparés, avec la politique et avec des armes, et, soudainement, quand les riches étaient en pleine fête de nouvel an, nous sommes tombés sur leurs villes et nous avons réussi à les prendre, et nous leur avons montré bien clairement que nous étions là, qu’ils allaient devoir tenir compte de nous. Et alors les riches ont eu une grosse frayeur et ils nous ont envoyé leurs grandes armées pour en finir avec nous. Ils ont fait comme ils font toujours quand les exploités se rebellent, ils envoient quelqu’un en finir avec eux. Mais ils n’ont pas pu le faire avec nous, parce que nous nous sommes très bien préparés avant la guerre et nous nous sommes faits forts dans nos montagnes. Et leurs soldats nous cherchaient partout et nous jetaient leurs bombes et nous tiraient dessus. Et ils ont même commencé à se dire qu’il fallait tuer une fois pour toutes tous les indigènes parce qu’il n’y avait pas moyen de savoir qui était zapatiste et qui ne l’était pas. Et nous à courir et à nous battre, à combattre et à courir, comme l’avaient fait nos ancêtres avant nous. Sans nous rendre, sans nous faire céder, sans nous vaincre.

Et voilà que les gens des villes sont sortis dans les rues et ont commencé à demander en criant que la guerre s’arrête. Et alors nous avons arrêté notre guerre et nous les avons écoutés, ces frères et ces sœurs de la ville qui nous disaient d’essayer d’arriver à un arrangement, c’est-à-dire à un accord avec ceux du mauvais gouvernement pour trouver une solution sans massacre. Et alors nous avons fait ce que nous disaient les gens, parce que ces gens, c’est ce que nous appelons "le peuple", c’est-à-dire le peuple mexicain. Alors nous avons mis de côté le feu et nous avons fait parler la parole.

Et voilà que ceux du gouvernement ont dit qu’ils allaient bien se comporter et allaient dialoguer et faire des accords et les respecter. Et nous, nous avons dit que c’était bien, d’accord, mais nous avons aussi pensé que c’était bien aussi de connaître ces gens qui étaient descendus dans la rue pour arrêter la guerre. Alors, tout en dialoguant avec ceux du mauvais gouvernement, nous avons aussi parlé avec ces personnes et nous avons vu que la plupart étaient des gens humbles et simples comme nous, et que nous comprenions bien pourquoi nous luttions tous les deux, c’est-à-dire eux et nous. Alors nous avons appelé ces gens "société civile", parce que la plupart n’appartenaient pas à des partis politiques et que c’était des gens du commun, comme nous, des gens humbles et simples.

Mais ceux du mauvais gouvernement ne voulaient pas d’un bon arrangement, ce n’était qu’une de leurs feintes de dire qu’ils allaient parler et trouver un accord. Pendant ce temps-là, ils se préparaient à nous attaquer pour nous éliminer définitivement. Et alors plusieurs fois ils nous ont attaqués, mais sans arriver à nous vaincre parce que nous avons su bien résister et que beaucoup de gens dans le monde entier se sont mobilisés. Et alors ceux du mauvais gouvernement se sont dit que le problème, c’était que beaucoup de gens voyaient ce qui se passait avec l’EZLN et alors ils ont décidé de commencer à faire comme s’il ne se passait rien. Et pendant ce temps-là, ils nous encerclaient, c’est-à-dire qu’ils nous mettaient le siège, et ils ont commencé à attendre que les gens, comme nos montagnes sont isolées, oublient parce que le territoire zapatiste est loin. Et régulièrement ceux du mauvais gouvernement essayaient leurs trucs et essayaient de nous tromper ou de nous attaquer, comme en février 1995 quand une grande quantité de troupes a voulu nous repousser mais n’est pas parvenu à nous vaincre. Parce que nous n’étions pas seuls, comme ils l’ont dit après coup, et que beaucoup de gens nous ont soutenus et que nous avons bien résisté.

Alors, ceux du mauvais gouvernement ont dû passer des accords avec l’EZLN et ces accords, ce sont les "Accords de San Andrés", parce que "San Andrés" est le nom de la commune où ont été signés ces accords. Et dans ces pourparlers nous n’étions pas tout seuls à parler avec ceux du mauvais gouvernement, nous avions invité beaucoup de gens et d’organisations qui étaient ou sont engagés dans la lutte pour les peuples indiens du Mexique. Et tous avaient leur mot à dire et tous ensemble nous nous sommes mis d’accord sur ce que nous allions dire à ceux du mauvais gouvernement. C’est comme ça que s’est passé le dialogue, il n’y avait pas que les zapatistes tout seuls d’un côté et ceux du mauvais gouvernement de l’autre, avec les zapatistes il y avait les peuples indiens du Mexique et ceux qui les soutiennent. Et alors dans ces accords ceux du mauvais gouvernement ont dit qu’ils allaient reconnaître les droits des peuples indiens du Mexique et respecter leur culture, et qu’ils allaient le mettre dans une loi dans la Constitution. Mais après avoir signé, ceux du mauvais gouvernement ont fait comme s’ils avaient oublié et beaucoup d’années ont passé et les accords ne sont toujours pas respectés. Au contraire, le gouvernement a attaqué les indigènes pour leur faire abandonner la lutte, comme le 22 décembre 1997. Ce jour-là, Zedillo a fait tuer 45 hommes, femmes, anciens et enfants, dans le hameau du Chiapas qui s’appelle ACTEAL. Un tel crime ne s’oublie pas facilement, mais c’est aussi une preuve de comment ceux du mauvais gouvernement n’hésitent pas un instant à attaquer et à assassiner ceux qui se rebellent contre l’injustice. Et pendant tout ce temps-là, les zapatistes s’obstinaient par tous les moyens à faire respecter les accords et à résister dans les montagnes du Sud-Est mexicain. Et alors nous avons commencé à parler avec d’autres peuples indiens du Mexique et avec les organisations qu’ils avaient et nous avons passé un accord avec eux pour lutter tous ensemble pour la même chose, pour la reconnaissance des droits et de la culture indigènes. Et là aussi, beaucoup de gens du monde entier nous ont soutenus, et des personnes très respectées dont la parole est très grande parce que ce sont de grands intellectuels, de grands artistes et de grands scientifiques du Mexique et du monde entier. Nous avons aussi fait des rencontres internationales, c’est-à-dire que nous nous sommes réunis pour discuter avec des gens venus d’Amérique, d’Asie, d’Europe, d’Afrique et d’Océanie, et que nous avons pu connaître leurs luttes et leur façon de faire, et nous les avons appelées des rencontres "intergalactiques" pour rigoler mais aussi parce que nous avions invité les gens des autres planètes, mais on dirait qu’ils ne sont pas venus ou alors qu’ils sont venus mais qu’ils ne l’ont pas montré.

Mais rien à faire, ceux du mauvais gouvernement ne respectaient pas les accords, alors nous avons décidé de parler avec beaucoup de Mexicains pour avoir leur soutien. Alors d’abord, en 1997, nous avons organisé une marche jusqu’à Mexico qui s’est appelée la "Marche des 1 111", parce qu’il y avait un compañero et une compañera pour chaque village zapatiste, mais le gouvernement n’a pas réagi. Après, en 1999, nous avons organisé dans tout le pays une consultation et on a pu voir que la majorité était d’accord avec les exigences des peuples indiens, mais ceux du mauvais gouvernement n’ont pas non plus réagi. Et en dernier, en 2001, nous avons organisé ce qui s’est appelé la "Marche pour la dignité indigène" qui a reçu le soutien de millions de Mexicains et de gens d’autres pays et qui est même arrivée là où sont les députés et les sénateurs, c’est-à-dire au Congrès de l’Union, pour exiger la reconnaissance des indigènes mexicains.

Mais pas moyen, les hommes politiques du parti du PRI, du parti du PAN et du parti du PRD se sont mis d’accord entre eux pour ne pas reconnaître les droits et la culture indigènes. Ça s’est passé en avril 2001 et à cette occasion les hommes politiques ont montré clairement qu’ils n’ont pas un gramme de décence et que ce sont des crapules qui ne pensent qu’à gagner de l’argent malhonnête, en mauvais gouvernants qu’ils sont. Il ne faudra surtout pas l’oublier, parce que vous verrez qu’ils seront capables de dire qu’ils vont reconnaître les droits indigènes, mais ce n’est qu’un mensonge qu’ils emploieront pour que l’on vote pour eux, parce qu’ils ont déjà eu leur chance et qu’ils n’ont pas tenu parole.

Alors, à ce moment-là, nous avons compris que le dialogue et la négociation avec ceux du mauvais gouvernement du Mexique n’avaient servi à rien. C’est-à-dire que ce n’est pas la peine de discuter avec les hommes politiques, parce que ni leur cœur ni leurs paroles ne sont droits, ils sont tordus et ils ne font que mentir en disant qu’ils vont respecter des accords. Et ce jour-là, quand les hommes politiques du PRI, du PAN et du PRD ont approuvé une loi qui ne vaut rien, ils ont tué et enterré le dialogue et ils ont montré clairement que ça ne leur fait rien de faire des accords et de signer, parce qu’ils n’ont pas de parole. Alors nous n’avons plus cherché à avoir de contact avec les pouvoirs fédéraux parce que nous avons compris que le dialogue et la négociation avaient échoué à cause de ces partis politiques. Nous avons compris que pour eux, le sang, la mort, la souffrance, les mobilisations, les consultations, les efforts, les déclarations nationales et internationales, les rencontres, les accords, les signatures, les engagements, rien ne compte. La classe politique n’a donc pas seulement claqué la porte, une fois de plus, aux nez des peuples indiens, elle a aussi frappé un coup mortel à une solution pacifique, dialoguée et négociée à la guerre. Et il ne faut pas croire qu’elle respectera les accords qu’elle passera avec qui que ce soit d’autre. Il suffit de voir ce qui nous est arrivé pour comprendre la leçon.

Alors, après avoir vu tout ça se passer, nous nous sommes mis à penser avec notre cœur à ce que nous allions pouvoir faire. Et la première chose que nous avons vue, c’est que notre cœur n’est plus le même qu’avant, quand nous avons commencé notre lutte, mais qu’il est plus grand parce que nous avons pénétré dans le cœur de beaucoup de gens bons. Et nous avons aussi vu que notre cœur est un peu plus meurtri, un peu plus blessé qu’avant. Ce n’est pas à cause de la tromperie de ceux du mauvais gouvernement, c’est parce que quand nous avons touché le cœur de ces autres gens, nous avons aussi touché leur douleur. Comme si nous nous étions regardés dans un miroir.

II. OÙ NOUS EN SOMMES MAINTENANT

Alors, en zapatistes que nous sommes, nous avons pensé qu’il ne suffisait pas de cesser de dialoguer avec le gouvernement, mais qu’il fallait poursuivre notre lutte malgré ces parasites jean-foutre que sont les hommes politiques. L’EZLN a donc décidé d’appliquer, tout seul et de son côté ("unilatéralement" quoi, comme on dit, parce que c’est seulement d’un côté), les Accords de San Andrés en ce qui concerne les droits et la culture indigènes. Pendant quatre ans, de la mi-2001 à la mi-2005, nous nous sommes consacrés à ça, et à d’autres choses que nous vous raconterons aussi.

Bien. Alors, allons-y d’abord avec les communes autonomes rebelles zapatistes, la forme d’organisation que les communautés ont choisie pour gouverner et se gouverner, pour être plus fortes. Cette forme de gouvernement autonome n’a pas été miraculeusement inventée par l’EZLN, elle vient de plusieurs siècles de résistance indigène et de l’expérience zapatiste et c’est un peu l’auto-organisation des communautés. C’est-à-dire que ce n’est pas comme si quelqu’un de l’extérieur venait gouverner, ce sont les villages eux-mêmes qui décident, parmi eux, qui gouverne et comment, et ceux qui n’obéissent pas sont renvoyés. Si la personne qui commande n’obéit pas à la communauté, on la blâme, elle perd son mandat d’autorité et une autre prend sa place.

Mais nous nous sommes rendu compte que les communes autonomes n’étaient pas toutes sur le même plan. Il y en avait qui allaient plus loin et bénéficiaient de plus de soutien de la société civile, et d’autres qui étaient plus délaissées. Il fallait donc encore s’organiser pour qu’il y ait plus d’égalité. Et nous avons aussi pu constater que l’EZLN, avec son côté politico-militaire, intervenait dans les décisions qui revenaient aux autorités démocratiques "civiles", comme on dit. Le problème était que la partie politico-militaire de l’EZLN n’est pas démocratique, parce que c’est une armée, et nous avons trouvé que ce n’était pas correct que le militaire soit en haut et le démocratique en bas, parce qu’il ne faut pas que ce qui est démocratique se décide militairement, sinon le contraire : c’est-à-dire en haut le politico-démocratique qui commande et en bas le militaire qui obéit. Et peut-être même que c’est encore mieux rien en haut et tout bien plat, sans militaire, et c’est pour ça que les zapatistes s’étaient faits soldats, pour qu’il n’y ait pas de soldats. Alors, pour essayer de résoudre ce problème, nous avons commencé à séparer ce qui est politico-militaire de ce qui concerne les formes d’organisation autonomes et démocratiques des communautés zapatistes. Comme ça, les actions et les décisions qu’effectuait et prenait avant l’EZLN ont été passées petit à petit aux autorités démocratiquement élues dans les villages. Ça a l’air tout simple quand on le dit mais, dans la pratique, c’est beaucoup plus difficile. Parce que, pendant des années, nous nous sommes préparés à faire la guerre et puis, après, il y a eu la guerre elle-même, et on finit par s’habituer à l’organisation politico-militaire. Mais même si ça a été difficile, c’est ce que nous avons fait, parce que ce que nous disons nous le faisons. Sinon, à quoi servirait de dire quelque chose, si après on ne le fait pas.

C’est comme ça que nous avons créé les conseils de bon gouvernement, en août 2003, et avec eux nous avons continué notre propre apprentissage et appris à exercer le "commander en obéissant".

Depuis, et jusqu’à la mi-2005, la direction de l’EZLN n’est plus intervenue avec ses ordres dans les affaires des civils, mais elle a accompagné et appuyé les autorités démocratiquement élues par les communautés, sans oublier de vérifier que l’on informe correctement la société civile mexicaine et internationale des aides reçues et de ce à quoi elles ont servi. Et maintenant, nous passons le travail de vigilance du bon gouvernement aux bases de soutien zapatistes, avec des mandats temporaires et rotatifs, pour que tous et toutes apprennent et puissent effectuer ce travail. Parce que, nous autres, nous pensons qu’un peuple qui ne contrôle pas ses dirigeants est condamné à être leur esclave et que nous luttons pour être libres, par pour changer de maître tous les six ans.

Pendant les quatre dernières années, l’EZLN a aussi passé aux conseils de bon gouvernement et aux communes rebelles autonomes les aides et les contacts au Mexique et dans le monde entier que nous avons obtenus tout au long des années de guerre et de résistance. Mais, en même temps, l’EZLN a aussi mis en place un réseau d’aide économique et politique qui permette aux communautés zapatistes d’avancer avec moins de difficultés dans la construction de leur autonomie et d’améliorer leurs conditions de vie. Ce n’est pas encore assez, mais c’est beaucoup plus que ce qu’il y avait avant notre soulèvement, en janvier 1994. Si vous prenez une de ces études que font les gouvernements, vous verrez que les seules communautés indigènes qui ont amélioré leurs conditions de vie, c’est-à-dire la santé, l’éducation, l’alimentation, le logement, ce sont celles qui sont en "territoire zapatiste", comme nous disons pour parler de là où sont nos villages. Tout ça a été possible grâce aux progrès effectués dans les communautés zapatistes et grâce au très grand soutien que nous avons reçu de personnes bonnes et nobles, "les sociétés civiles", comme nous les appelons, et de leurs organisations, du monde entier. C’est comme si toutes ces personnes avaient fait du "Un autre monde est possible" une réalité, mais dans les faits, pas dans des discours.

Et alors les communautés ont beaucoup avancé. Maintenant, il y a toujours plus de compañeros, hommes et femmes, qui apprennent à être gouvernement. Et, même si c’est petit à petit, il y a de plus en plus de femmes qui ont ces responsabilités. Mais on manque encore beaucoup de respect envers ces compañeras et il faut qu’elles participent plus aux responsabilités de la lutte. Et puis, avec les conseils de bon gouvernement, la coordination entre les communes autonomes s’est aussi beaucoup améliorée, et aussi la résolution de problèmes avec d’autres organisations et avec les autorités "officielles". Et puis les projets dans les communautés aussi se sont beaucoup améliorés, et la répartition des projets et des aides de la société civile du monde entier : la santé et l’éducation ont été beaucoup améliorées, même s’il y a encore beaucoup de chemin à faire avant d’arriver à ce qu’il devrait y avoir ; pareil avec le logement et l’alimentation, et dans certaines zones le problème de la terre va beaucoup mieux parce qu’on a réparti les terres récupérées aux grands propriétaires, mais il y a des zones où on manque terriblement de terres à cultiver. Et puis le soutien de la société civile mexicaine et internationale s’est beaucoup amélioré, parce que, avant, les gens allaient là où ça leur plaisait le plus, mais maintenant les conseils de bon gouvernement les orientent vers les endroits où il y en a le plus besoin. Pour les mêmes raisons, partout il y a toujours plus de compañeros, hommes et femmes, qui apprennent à entrer en contact avec des personnes venues d’ailleurs au Mexique et dans le monde. Ils apprennent à respecter et à exiger le respect, ils apprennent qu’il y a de nombreux mondes et que tous ont leur place, leur temps et leur façon de faire, et qu’il faut tous et toutes se respecter mutuellement.

Alors nous, les zapatistes de l’EZLN, nous avons consacré tout ce temps à notre force principale : aux communautés qui nous appuient. Et il faut dire que la situation s’est bien améliorée un peu, comme quoi on ne peut pas dire que l’organisation et la lutte zapatiste n’ont servi à rien mais plutôt que, même si on en finit avec nous, notre lutte aura bel et bien servi à quelque chose.

Mais il n’y a pas que les communautés zapatistes qui ont progressé. L’EZLN aussi. Parce que ce qui s’est passé pendant tout ce temps, c’est que de nouvelles générations ont renouvelé toute notre organisation. Un peu comme si elles lui avaient redonné des forces. Les commandants et les commandantes, qui étaient déjà majeurs au début de notre soulèvement, en 1994, possèdent maintenant la sagesse de ce qu’ils ont appris dans une guerre et dans un dialogue de douze ans avec des milliers de femmes et d’hommes du monde entier. Les membres du CCRI, la direction politico-organisationnelle zapatiste, conseillent et orientent les nouvelles personnes qui entrent dans notre lutte et celles qui vont occuper des postes de dirigeant. Il y a déjà longtemps que "les comités" (comme nous appelons ceux du CCRI) préparent toute une nouvelle génération de commandants et de commandantes pour qu’ils apprennent les tâches de direction et d’organisation et commencent, après une période d’instruction et d’essai, à les assumer. Et il se trouve aussi que nos insurgés et insurgées, nos miliciens et miliciennes, nos responsables locaux et régionaux et nos bases de soutien, qui étaient jeunes quand nous avons pris les armes, sont devenus des femmes et des hommes, des combattants vétérans et des leaders naturels dans leurs unités et dans leurs communautés. Et ceux qui n’étaient que des enfants ce fameux 1er janvier 1994 sont maintenant des jeunes qui ont grandi dans la résistance et qui ont été formés dans la digne rébellion menée par leurs aînés au long de ces douze années de guerre. Ces jeunes ont une formation politique, technique et culturelle que n’avaient pas ceux et celles qui ont commencé le mouvement zapatiste. Ces jeunes viennent grossir aujourd’hui, et toujours plus, aussi bien nos troupes que les postes de direction de notre organisation. Et puis, finalement, nous avons tous pu assister aux tromperies de la classe politique mexicaine et aux ravages destructeurs qu’ils ont perpétrés dans notre patrie. Et nous avons vu les grandes injustices et les massacres que produit la mondialisation néolibérale dans le monde entier. Mais nous parlerons de cela plus tard.

L’EZLN a donc résisté de cette manière à douze ans de guerre et d’attaques militaires, politiques, idéologiques et économiques, à douze ans de siège, de harcèlement et de persécutions, et ils n’ont pas pu nous vaincre, nous ne nous sommes pas rendus ou vendus et nous avons avancé. Des compañeros d’autres lieux sont entrés dans notre lutte et, au lieu de nous affaiblir au long de tant d’années, nous sommes devenus plus forts. Bien sûr, il y a des problèmes qui peuvent se résoudre simplement en séparant plus le politico-militaire du civil-démocratique. Mais il y a certaines choses plus importantes, comme le sont les exigences pour lesquelles nous luttons, qui n’ont pas encore été entièrement satisfaites.

C’est notre pensée et ce que nous éprouvons dans notre cœur qui nous font dire que nous en sommes arrivés à un seuil limite et qu’il se peut même que nous perdions tout ce que nous avons, si nous en restons là et si nous ne faisons rien pour avancer encore. Alors, l’heure est venue de prendre à nouveau des risques et de faire un pas dangereux mais qui en vaut la peine. Et peut-être qu’unis à d’autres secteurs sociaux qui ont les mêmes manques que nous il deviendra possible d’obtenir ce dont nous avons besoin et que nous méritons d’avoir. Un nouveau pas en avant dans la lutte indigène n’est possible que si les indigènes s’unissent aux ouvriers, aux paysans, aux étudiants, aux professeurs, aux employés, c’est-à-dire aux travailleurs des villes et des campagnes.

III. DE COMMENT NOUS VOYONS LE MONDE

Nous allons vous expliquer maintenant comment nous voyons ce qui se passe dans le monde, nous autres, les zapatistes. D’abord, nous voyons que c’est le capitalisme qui est le plus fort aujourd’hui. Le capitalisme est un système social, autrement dit la façon dont sont organisées les choses et les personnes, et qui possède et qui ne possède pas, qui commande et qui obéit. Dans le capitalisme, il y a des gens qui ont de l’argent, autrement dit du capital, et des usines et des magasins et des champs et plein de choses, et il y en a d’autres qui n’ont rien à part leur force et leur savoir pour travailler ; et dans le capitalisme commandent ceux qui ont l’argent et les choses, tandis qu’obéissent ceux qui n’ont rien d’autre que leur force de travail.

Alors, le capitalisme ça veut dire qu’il y a un groupe réduit de personnes qui possèdent de grandes richesses. Et pas parce qu’ils auraient gagné un prix ou qu’ils auraient trouvé un trésor ou qu’ils auraient hérité de leur famille, mais parce qu’ils obtiennent ces richesses en exploitant le travail de beaucoup d’autres. Autrement dit, le capitalisme repose sur l’exploitation des travailleurs, un peu comme s’il les pressait comme des citrons pour en tirer tous les profits possibles. Tout ça se fait avec beaucoup d’injustice parce qu’on ne paye pas aux travailleurs correctement leur travail, sinon qu’on leur donne juste un salaire suffisant pour qu’ils puissent manger et se reposer un peu et que le jour suivant ils retournent au presse-citron, à la campagne comme en ville.

Mais le capitalisme fabrique aussi sa richesse en spoliant, autrement dit par le vol, parce qu’il enlève à d’autres ce qu’il convoite, comme des terres et des richesses naturelles, par exemple. C’est-à-dire que le capitalisme est un système où les voleurs sont libres et admirés et donnés en exemple.

Et en plus d’exploiter et de spolier, le capitalisme réprime, parce qu’il jette en prison et tue ceux qui se rebellent contre l’injustice.

Ce qui intéresse le plus le capitalisme, ce sont les marchandises, parce que, quand on les achète et on les vend, elles donnent du profit. Alors, le capitalisme transforme tout en marchandise : il transforme en marchandise les personnes, la nature, la culture, l’histoire, la conscience, tout. Pour le capitalisme, tout doit pouvoir s’acheter et se vendre. Et il dissimule tout derrière la marchandise pour qu’on ne voie pas l’exploitation qui l’a rendu possible. Et alors les marchandises s’achètent et se vendent dans un marché, et il se trouve que ce marché ne sert pas seulement pour acheter et pour vendre, mais aussi pour dissimuler l’exploitation des travailleurs. Par exemple, sur le marché, on voit le café déjà joliment empaqueté dans sa boîte ou dans son paquet, mais on ne voit pas le paysan qui a souffert pour récolter ce café et on ne voit pas non plus le coyote qui lui a payé à un prix ridicule son travail et on ne voit pas non plus les travailleurs dans les grands ateliers qui passent leur vie à empaqueter ce café. Ou alors on voit un appareil pour écouter de la musique, de la cumbia, des rancheras ou des corridos ou ce qu’on veut, et on trouve que c’est un très bon appareil parce que le son est très bon, mais on ne voit pas l’ouvrière de l’atelier qui a passé un nombre incroyable d’heures à fixer des câbles et à monter cet appareil et qui a touché un salaire de misère pour le faire, on ne voit pas qu’elle vit loin de son travail et tout ce qu’elle doit dépenser pour le transport, sans compter qu’elle risque en plus de se faire enlever, d’être violée ou assassinée, comme ça arrive à Ciudad Juárez, au Mexique.

Autrement dit, sur le marché on voit des marchandises, mais on ne voit pas l’exploitation avec laquelle elles ont été faites. Et alors le capitalisme a besoin de beaucoup de marchés... Ou d’un marché très grand, un marché mondial.

Et alors il se trouve que le capitalisme d’aujourd’hui n’est plus le même qu’avant, où les riches se contentaient d’exploiter les travailleurs chacun dans leurs pays, mais qu’il en est maintenant à un stade qui s’appelle "globalisation néolibérale". La globalisation en question, ça veut dire que maintenant les capitalistes ne dominent plus seulement les travailleurs dans un pays ou dans plusieurs pays, mais qu’ils essayent de dominer tout dans le monde entier. Et alors le monde, la planète Terre autrement dit, on dit aussi que c’est le "globe terrestre", c’est pour ça qu’on dit "globalisation", la mondialisation, autrement dit le monde entier.

Et le néolibéralisme, eh bien, c’est l’idée selon laquelle le capitalisme est libre de dominer le monde entier et qu’il n’y a rien à dire et qu’on n’a plus qu’à se résigner et à l’admettre et à la fermer, autrement dit à ne pas se rebeller. Alors, le néolibéralisme c’est comme la théorie, le plan, de la mondialisation capitaliste. Et le néolibéralisme a des plans économiques, politiques, militaires et culturels. Dans tous ces plans, il ne s’agit de rien d’autre que de dominer le monde entier. Et ceux qui n’obéissent pas, on les réprime ou on les isole pour les empêcher de donner leurs idées de rébellion aux autres.

Alors, dans la mondialisation néolibérale, les grands capitalistes qui vivent dans des pays puissants, comme les États-Unis, par exemple, veulent que le monde entier devienne une énorme usine où produire des marchandises et une sorte d’énorme marché. Un marché mondial, un marché pour acheter et vendre tout ce qu’il y a dans le monde et pour dissimuler toute l’exploitation du monde entier. Alors les capitalistes mondialisés s’installent partout, autrement dit dans tous les pays, pour faire leurs grands négoces, c’est-à-dire leur grande exploitation. Et alors ils ne respectent rien et s’installent comme ils veulent. C’est comme qui dirait une conquête des autres pays. C’est pour ça que nous, les zapatistes, nous disons que la mondialisation néolibérale est une guerre de conquête du monde entier, une guerre mondiale, une guerre entreprise par le capitalisme pour dominer mondialement. Et alors cette conquête se fait parfois avec des armées qui envahissent un pays par la force et qui s’en emparent. Mais parfois cette conquête se fait avec l’économie, c’est-à-dire que les capitalistes mettent leur argent dans un autre pays ou bien lui prêtent de l’argent à condition qu’il fasse tout ce qu’ils lui disent de faire. Ils s’installent même dans d’autres pays avec les idées : autrement dit, la culture capitaliste, c’est la culture de la marchandise, du profit, du marché.

Alors celui qui fait cette conquête, le capitalisme, fait bien comme il veut, c’est-à-dire qu’il détruit ce qui ne lui plaît pas et élimine ce qui le gêne. Par exemple, ceux qui ne produisent ni n’achètent ni ne vendent des marchandises le gênent. Ou ceux qui se rebellent contre cet ordre mondial. Et ceux qui ne servent pas, il les méprise. C’est pour ça que les indigènes constituent un obstacle à la mondialisation néolibérale et c’est pour ça qu’on les méprise et qu’on veut les éliminer. Le capitalisme néolibéral enlève aussi les lois qui l’empêchent d’exploiter tranquillement et de faire beaucoup de profits. Par exemple, il impose que tout puisse s’acheter et se vendre, mais comme c’est le capitalisme qui a l’argent, il achète tout.

Alors, le capitalisme détruit les pays qu’il envahit avec la mondialisation néolibérale, mais il veut aussi arranger tout ou tout refaire à sa manière, autrement dit d’une manière qui lui convienne et sans être gêné par rien ni personne. Alors la mondialisation néolibérale, capitaliste détruit donc ce qu’il y a dans ces pays : elle détruit leur culture, leur système économique et leur système politique, et elle détruit même le type de rapports que les gens qui vivent dans ce pays ont entre eux. Autrement dit, tout ce qui fait d’un pays un pays est ravagé.

Alors, la mondialisation néolibérale veut détruire les nations du monde et veut qu’il n’y ait plus qu’une seule nation ou pays : le pays de l’argent, le pays du capital. Le capitalisme cherche donc à faire que tout soit comme lui veut que ce soit. Et tout ce qui est différent, ça ne lui plaît pas et il le persécute, il l’attaque, il l’isole dans un coin et fait comme si ça n’existait pas.

Alors, comme qui dirait en résumé, le capitalisme de la mondialisation néolibérale se fonde sur l’exploitation, sur la dépossession, sur le mépris et sur la répression de ceux qui ne se laissent pas faire. Autrement dit, pareil qu’avant mais maintenant globalement, mondialement.

Mais tout ne marche pas comme sur des roulettes dans la mondialisation néolibérale, parce que les exploités de chacun des pays ne veulent pas l’accepter et qu’ils ne se résignent pas à courber l’échine, mais se rebellent, et que ceux qui sont de trop et gênent résistent et ne se laissent pas éliminer. Et alors nous voyons que dans le monde entier ceux qui sont dans un sale pétrin opposent une résistance pour ne pas se laisser faire ; autrement dit, ils se rebellent, et pas seulement dans un pays mais dans plein d’endroits. Autrement dit, de la même façon qu’il y a une mondialisation néolibérale, il y a aussi une mondialisation de la rébellion.

Dans cette mondialisation de la rébellion, il n’y a pas que les travailleurs de la campagne et des villes, mais il y aussi d’autres gens, femmes et hommes, qui sont très souvent persécutés et méprisés parce qu’ils ne se laissent pas non plus dominer : les femmes, les jeunes, les indigènes, les homosexuels, les lesbiennes, les transsexuels, les migrants et beaucoup d’autres que nous ne verrons pas tant qu’ils n’auront pas hurlé que ça suffit qu’on les méprise et qu’ils ne se seront pas révoltés. Et alors nous les verrons, nous les entendrons et nous apprendrons à les connaître.

Et alors nous, nous voyons que tous ces groupes de gens luttent contre le néolibéralisme, autrement dit contre le plan de la mondialisation capitaliste, et qu’ils se battent pour l’humanité.

Et tout ça fait que nous éprouvons une grande inquiétude devant la stupidité des néolibéralistes qui veulent détruire l’humanité tout entière avec leurs guerres et leur exploitation, mais nous éprouvons en même temps une grande satisfaction en voyant que partout surgissent des résistances et des rébellions ; un peu comme la nôtre qui est un peu petite mais qui est toujours là. Et nous voyons tout cela dans le monde entier et notre cœur sait que nous ne sommes pas seuls.

IV. DE COMMENT NOUS VOYONS NOTRE PAYS, LE MEXIQUE

Nous allons parler maintenant de comment nous voyons ce qui se passe au Mexique, notre pays à nous. Alors, ce que nous voyons, c’est que notre pays est gouverné par les néolibéralistes. Autrement dit, comme nous l’avons expliqué auparavant, les gouvernants que nous avons sont en train de détruire ce qui est notre nation, notre patrie mexicaine. Et le travail de ces gouvernants n’est pas de veiller au bien-être du peuple, non, ils ne pensent qu’au bien-être des capitalistes. Par exemple, ils font des lois comme le traité de libre-échange qui plongent dans la misère beaucoup de Mexicains, aussi bien des paysans et des petits producteurs, parce qu’ils sont "mangés" par les grandes entreprises de l’agro-industrie, que des ouvriers et des petits entrepreneurs, parce qu’ils ne peuvent pas rivaliser avec les grandes entreprises multinationales, qui s’installent sans que personne ne s’y oppose - et il y en a même qui leur disent merci - et qui imposent leurs bas salaires et leurs prix élevés. Alors, certaines des bases économiques, comme on dit, de notre Mexique, comme l’agriculture et l’industrie ou le commerce national, sont sacrément détruites et il ne reste d’elles que des ruines qui vont sûrement être vendues aussi.

C’est un grand malheur pour notre patrie, parce que les campagnes ne produisent plus les aliments, mais uniquement ce que vendent les grands capitalistes, et que les bonnes terres sont volées par la ruse et avec la complicité des hommes politiques. Autrement dit, à la campagne, il se passe aujourd’hui la même chose que sous Porfirio, mais la seule différence c’est qu’au lieu d’hacendados, de grands propriétaires terriens, maintenant ce sont des entreprises étrangères qui foutent dans la merde les paysans. Et là où, avant, il y avait des crédits et des prix protégés, maintenant, il n’y a plus que des aumônes... Et parfois même pas.

Les travailleurs de la ville, eux, voient leurs usines fermer et perdent leur travail ou alors ils trouvent à leur place des maquiladoras, comme on les appelle, des usines-ateliers appartenant à l’étranger qui payent une misère pour beaucoup d’heures de travail. Et alors le prix des produits dont a besoin le peuple n’a plus aucune importance, parce que, que ce soit cher ou pas, de toute façon la paye ne suffit pas. Si avant quelqu’un travaillait dans une petite ou moyenne entreprise, c’est fini, parce qu’elle a fermé et que c’est une multinationale qui l’a achetée. Et si avant quelqu’un avait un petit commerce, lui aussi a disparu ou alors il s’est mis à travailler clandestinement pour des grandes entreprises qui l’exploitent un maximum et qui font même travailler des enfants. Et si des travailleurs étaient dans un syndicat pour revendiquer légalement leurs droits, c’est fini, le syndicat lui-même leur dit qu’il faut retrousser ses manches et accepter de baisser les salaires ou de diminuer la journée de travail ou de perdre la protection sociale parce que, sinon, l’entreprise va fermer et va partir s’installer dans un autre pays. Et après, il y aussi cette histoire du microchangarro, "les petits métiers", qui est une sorte de programme économique du gouvernement pour que tous les travailleurs de la ville se mettent à vendre du chewing-gum ou des cartes de téléphone aux coins des rues. C’est-à-dire que dans les villes aussi, c’est la ruine économique totale.

Et alors ce qui se passe, c’est que l’économie du peuple est tellement patraque, à la ville comme à la campagne, que beaucoup de Mexicains et de Mexicaines doivent abandonner leur patrie, leur terre mexicaine, pour aller chercher du travail dans un autre pays, comme les États-Unis, et que là-bas ils ne sont pas mieux traités, parce qu’on les exploite, on les persécute, on les méprise et même ils se font tuer.

Alors, avec le néolibéralisme que nous imposent ceux du mauvais gouvernement, l’économie ne s’est pas améliorée, sinon tout le contraire. Les campagnes sont très pauvres et en ville il n’y a pas de travail. Ce qui se passe, en fait, c’est que le Mexique n’est plus que le pays où naissent, durent un moment et puis après, meurent, ceux qui travaillent pour enrichir des étrangers, principalement des gringos riches. C’est pour ça que nous disons que le Mexique est dominé par les États-Unis.

Mais il n’y a pas que ça qui se passe. Le néolibéralisme a aussi transformé la classe politique mexicaine, autrement dit les hommes politiques, parce qu’il a fait d’eux des employés de grand magasin qui doivent faire tout ce qu’ils peuvent pour tout vendre et vendre au rabais. Vous avez vu comment ils ont changé les lois pour supprimer l’article 27 de la Constitution pour pouvoir vendre les terres communales et celles des ejidos. C’est Salinas de Gortari qui l’a fait ; lui et sa bande prétendaient que c’était pour le bien de l’agriculture et des paysans et que, comme ça, on allait prospérer et vivre mieux. C’est ça qui s’est passé ? Mon œil ! Les campagnes mexicaines sont plus pauvres que jamais et les paysans plus dans la merde que sous Porfirio. Les mêmes avaient aussi dit qu’ils allaient privatiser, autrement dit vendre à l’étranger, les entreprises qui appartiennent à l’État pour améliorer le sort du peuple, sous prétexte qu’il fallait les moderniser et que le mieux, c’était de les vendre. Mais au lieu de s’être amélioré, le système de protection sociale qui avait été acquis de haute lutte avec la révolution de 1910 fait aujourd’hui peine à voir... Ou même honte. Les mêmes avaient aussi dit qu’il fallait ouvrir les frontières pour laisser entrer tout le capital de l’étranger, pour que les patrons mexicains retroussent leurs manches et fassent un peu mieux les choses. Mais aujourd’hui, ce qu’on voit c’est qu’il n’y a plus d’entreprises mexicaines, elles ont toutes été avalées par des étrangers, et que ce qui se vend est pire que ce qu’on fabriquait avant au Mexique.

Et maintenant les hommes politiques mexicains veulent aussi vendre la Pemex, autrement dit le pétrole des Mexicains. La seule différence, c’est qu’il y en a qui disent qu’ils vendront tout et d’autres qui disent qu’ils ne vendront qu’une partie. Et ils veulent aussi privatiser la sécurité sociale, et l’électricité, et l’eau, et les forêts, et tout, jusqu’à ce qu’il ne reste plus rien du Mexique et que notre pays devienne une sorte de terre en friche ou un parc d’attractions réservé aux riches du monde entier, et que les Mexicains et les Mexicaines ne soient plus que leurs domestiques, dépendant de ce qu’on veut bien leur donner, vivant mal, sans racines, sans culture, autrement dit sans patrie.

Autrement dit, les néolibéralistes veulent tuer le Mexique, notre chère patrie mexicaine. Et les partis politiques officiels non seulement ne la défendent pas, mais sont les premiers à se mettre au service de l’étranger, principalement des États-Unis. Ce sont eux qui se chargent de nous tromper et de nous faire regarder ailleurs pendant qu’ils vendent tout et gardent la paye pour eux. Nous disons bien tous les partis politiques officiels qui existent aujourd’hui, pas seulement l’un d’entre eux. Essayez de trouver s’ils ont fait quelque chose de bien et vous verrez que non. Ils n’ont fait que voler et mentir. Et vous verrez qu’eux ont toujours leurs belles maisons et leurs belles voitures et tout leur luxe. Et en plus ils voudraient qu’on leur dise merci et qu’on vote encore une fois pour eux. Il faut bien dire qu’ils n’ont pas honte, comme on dit. Ils n’ont pas honte tout simplement parce qu’ils n’ont pas de patrie, ils n’ont que des comptes en banque.

Nous voyons aussi que le narcotrafic et la criminalité n’ont pas cessé d’augmenter. Parfois nous pensons que les criminels sont comme dans les chansons ou dans les films et peut-être que certains sont comme ça, mais ce ne sont pas les vrais chefs. Les vrais chefs sont bien habillés, ils ont fait des études à l’étranger, ils sont élégants et ils ne se cachent pas. Non, ils mangent dans de bons restaurants et sortent tout beaux, tout propres et bien habillés dans leurs fêtes à la une des journaux, c’est comme dirait l’autre "des gens biens" et certains sont même au gouvernement ou sont députés, sénateurs, ministres, chefs d’entreprise prospères, chefs de la police ou généraux de l’armée.

Nous disons que la politique ne sert à rien ? Non, ce que nous voulons dire, c’est que CETTE politique-là ne vaut rien. Elle ne vaut rien parce qu’elle ne tient pas compte du peuple, qu’elle ne l’écoute pas, qu’elle ne pense pas à lui et parce qu’elle vient le trouver seulement en période d’élections - et ce n’est même pas les votes qui l’intéressent, avec les sondages pour savoir qui va gagner ça lui suffit. Et alors on a droit à plein de promesses. Et que je vais faire ça et puis ça aussi, promis juré. Mais après, il n’y a plus personne, sauf quand on apprend par le journal qu’ils ont volé plein d’argent et qu’on ne va rien leur faire parce que la loi, que ces mêmes hommes politiques ont faite, les protège.

Parce que ça aussi, c’est un problème. La Constitution est complètement manipulée et changée. Ce n’est plus celle où il y avait les droits et les libertés du peuple travailleur, c’est celle des droits et des libertés des néolibéralistes pour faire tous leurs profits. Les juges sont là uniquement pour servir ces néolibéralistes, parce qu’ils finissent toujours par trancher en leur faveur et que ceux qui ne sont pas riches n’ont droit qu’à l’injustice, à la prison et au cimetière.

Eh bien, en dépit de la grande lessive orchestrée par les néolibéralistes, il y a quand même des Mexicains et des Mexicaines qui s’organisent et résistent.

Et on s’aperçoit qu’il y a des indigènes, dans leurs terres reculées, ici, au Chiapas, qui s’organisent de manière autonome, défendent leur culture et protègent la terre, les forêts et l’eau.

Et il y a des travailleurs de la campagne, autrement dit des paysans, qui s’organisent et font des marches et des mobilisations pour demander des crédits et des aides pour la campagne.

Et il y a des travailleurs des villes qui refusent qu’on leur retire leurs droits ou que l’on privatise leur travail et ils protestent et manifestent pour ne pas perdre le peu qu’ils ont et pour que notre pays ne perde pas ce qui lui appartient, comme l’électricité, le pétrole, la sécurité sociale et l’éducation.

Et il y a des étudiants qui refusent que l’on privatise l’éducation et qui se battent pour qu’elle soit gratuite et populaire et scientifique, autrement dit, qu’elle ne soit pas payante, que tout le monde puisse apprendre et que dans les écoles on n’enseigne pas des stupidités.

Et il y a des femmes qui refusent de continuer à être traitées comme de simples potiches et d’être humiliées et méprisées sous le prétexte qu’elles sont femmes, et elles s’organisent et se battent pour obtenir le respect qu’elles méritent en tant que femmes.

Et il y a des jeunes qui refusent qu’on les abrutisse avec des drogues ou qu’on les persécute pour leur façon d’être et ils prennent conscience avec leur musique et leur culture, autrement dit avec leur rébellion.

Et il y a des homosexuels, des lesbiennes, des transsexuels et d’autres encore qui refusent qu’on se moque d’eux, qu’on les méprise, qu’on les maltraite et qu’on en arrive à leur ôter la vie simplement parce qu’ils ont une façon différente d’être, et qu’on les traite d’anormaux ou de délinquants, et ils créent leurs propres organisations pour défendre le droit à la différence.

Et il y a des prêtres et des bonnes sœurs et ceux que l’on appelle séculiers qui ne sont pas du côté des riches et qui ne se résignent pas à la simple prière, et ils s’organisent pour accompagner le peuple dans sa lutte.

Et il y a ceux que l’on appelle combattants sociaux, des femmes et des hommes qui ont passé toute leur vie à se battre pour le peuple exploité, qui ont participé aux grandes grèves et aux actions des ouvriers, aux grandes mobilisations des citoyens et aux grands mouvements paysans et qui ont été victimes d’une terrible répression, mais, en dépit de tout cela et bien que certains soient très vieux, ils continuent à ne pas se rendre. Et ils vont partout où est la lutte et ne cessent de chercher à s’organiser et à faire que justice soit rendue. Et ils créent des organisations de gauche, des organisations non gouvernementales, des organisations pour le respect des droits de l’être humain, des organisations pour la défense des prisonniers politiques et pour la réapparition des disparus. Et ils créent des publications de gauche, des organisations de professeurs ou d’étudiants. Autrement dit, ils participent à une lutte sociale. Et il y en a même qui créent des organisations politico-militaires. Tous ceux-là ne se tiennent pas tranquilles et ils en savent long, parce qu’ils ont vu, et entendu, et vécu beaucoup de choses, et qu’ils ont beaucoup lutté.

Alors, en général, nous, nous voyons que, dans notre pays, qui s’appelle le Mexique, il y a beaucoup de gens qui ne se laissent pas faire, qui ne se rendent pas, qui ne se vendent pas. Autrement dit, qui sont dignes. Et cela nous réjouit et nous donne une certaine satisfaction, parce que avec tous ces gens ça ne va pas être si facile pour les néolibéralistes et peut-être que l’on parviendra même à sauver notre patrie des incroyables vols et de la destruction que les néolibéralistes ont entrepris. Et nous nous prenons à penser que ce serait bien si notre "nous autres" incluait toutes ces rébellions...

V. CE QUE NOUS VOULONS FAIRE

Bien, alors maintenant nous allons vous dire ce que nous voudrions faire dans le monde et au Mexique, parce que nous sommes incapables de nous taire, sans plus, devant tout ce qui se passe sur cette planète, comme s’il n’y avait que nous qui étions là où nous en sommes.

Alors dans le monde, nous voulons dire à vous tous qui résistez et luttez à votre façon et dans votre pays que vous n’êtes pas seuls et que nous, les zapatistes, même si nous sommes tout petits, nous vous soutenons et nous allons chercher un moyen de vous aider dans vos luttes et de parler avec vous pour apprendre, parce que s’il y a bien une chose que nous avons apprise, c’est à apprendre.

Et nous voulons dire aux peuples latino-américains que nous sommes fiers d’être des leurs, même si nous n’en sommes qu’une petite partie. Et que nous nous rappelons parfaitement comment ce continent s’est illuminé, il y a des années de cela, et qu’une lumière s’appelait Che Guevara, comme auparavant elle s’était appelée Bolivar, parce que parfois les peuples se saisissent d’un nom pour dire qu’ils se saisissent d’un étendard.

Et nous voulons dire au peuple de Cuba, qui résiste depuis si longtemps sur son chemin, qu’il n’est pas seul et que nous ne sommes pas d’accord avec le blocus dont il est victime et que nous allons chercher un moyen de lui envoyer quelque chose, même si ce n’est que du maïs, pour l’aider à résister. Et nous voulons dire au peuple nord-américain que nous ne sommes pas naïfs et que nous savons que leurs mauvais gouvernements sont une chose, et que les Nord-Américains qui luttent dans leur pays et se solidarisent avec les luttes d’autres pays sont une chose très différente. Et nous voulons dire aux frères et aux sœurs Mapuche du Chili que nous connaissons leur lutte et que nous apprenons d’elle. Et à ceux et celles du Venezuela que nous trouvons que c’est bien la manière dont ils défendent leur souveraineté, autrement dit le droit de leur nation à décider du chemin qu’elle veut emprunter. Et nous voulons dire aux frères et aux sœurs indigènes d’Équateur et de Bolivie qu’ils sont en train de donner une belle leçon d’histoire, à nous et à l’Amérique latine tout entière, parce que pour une fois on parvient à stopper la mondialisation néolibérale. Et nous voulons dire aux piqueteros et aux jeunes d’Argentine, simplement, que nous les aimons. Et à ceux d’Uruguay qui veulent un meilleur pays que nous les admirons. Et à ceux qui sont sans terre au Brésil que nous les respectons. Et à tous les jeunes d’Amérique latine que ce qu’ils font est très bien et qu’ils nous donnent beaucoup d’espoir.

Et nous voulons dire aux frères et aux sœurs de l’Europe sociale, autrement dit l’Europe digne et rebelle, qu’ils ne sont pas seuls. Que nous nous réjouissons de leurs grands mouvements contre les guerres néolibérales. Que nous observons attentivement leurs formes d’organisation et leurs formes de lutte pour en apprendre éventuellement quelque chose. Que nous cherchons un moyen de soutenir leurs luttes et que nous n’allons pas leur envoyer des euros, pour qu’après ils soient dévalués à cause de l’effondrement de l’Union européenne, mais que nous allons peut-être leur envoyer de l’artisanat et du café, pour qu’ils les commercialisent et en tirent quelque chose pour les aider dans leurs luttes. Et que peut-être que nous leur enverrons du pozole, ça donne des forces pour résister, mais qu’après tout il est possible que nous ne le leur envoyions pas, parce que le pozole c’est quelque chose bien de chez nous et qu’il ne manquerait plus qu’ils attrapent mal au ventre et qu’après, leurs luttes s’en ressentent et qu’ils soient vaincus par les néolibéralistes.

Et nous voulons dire aux frères et sœurs d’Afrique, d’Asie et d’Océanie que nous savons qu’eux aussi luttent et que nous voulons en savoir plus sur leurs idées et sur leurs pratiques.

Et nous voulons dire au monde que nous voulons le faire plus grand, si grand que puissent y avoir leur place tous les mondes qui résistent parce que les néolibéralistes veulent les détruire et qu’ils ne se laissent pas faire mais luttent pour l’humanité.

Alors, au Mexique, nous voulons arriver à un accord avec des personnes et des organisations de gauche, uniquement, parce que nous pensons que ce n’est qu’au sein de la gauche politique que l’on trouve la volonté de résister à la mondialisation néolibérale et de construire un pays où tout le monde jouisse de la justice, de la démocratie et de la liberté. Et non comme maintenant où la justice n’existe que pour les riches, où la liberté n’existe que pour leurs grands négoces et où la démocratie n’existe que pour couvrir les murs de propagande électorale. Et aussi parce que nous pensons que c’est uniquement de la gauche que peut surgir un plan de lutte pour que notre patrie, c’est-à-dire le Mexique, ne meure pas.

Et alors, ce à quoi nous avons pensé, c’est de dresser avec ces personnes et organisations de gauche un plan pour aller partout au Mexique où il y a des gens humbles et simples comme nous.

Et nous n’allons pas aller leur dire ce qu’ils doivent faire, autrement dit leur donner des ordres.

Nous n’allons pas non plus leur demander de voter pour tel ou tel candidat, nous savons parfaitement qu’ils sont tous partisans du néolibéralisme.

Nous n’allons pas non plus leur dire qu’ils fassent comme nous ou qu’ils prennent les armes.

Non, ce que nous allons faire, c’est leur demander comment ils vivent, comment est leur lutte, ce qu’ils pensent de notre pays et comment faire ensemble pour ne pas être vaincus.

Ce que nous allons faire, c’est aller chercher la pensée des gens simples et humbles comme nous et peut-être que nous y trouverons le même amour que nous ressentons pour notre pays.

Et peut-être allons-nous trouver un accord entre gens simples et humbles, et ensemble nous organiser dans tout le pays et faire concorder nos luttes, qui restent isolées, loin les unes des autres, et trouver une sorte de programme qui réunisse ce que tout le monde veut, et un plan de ce que nous ferons, et comment, pour que ce programme, appelé "programme national de lutte", se réalise.

Et alors, en accord avec la majorité des gens que nous allons écouter, eh bien, nous pourrions faire une lutte de tout le monde : des indigènes, des ouvriers, des paysans, des étudiants, des professeurs, des employés, des femmes, des enfants, des anciens et des hommes et avec toutes les personnes au cœur bon qui auront envie de lutter pour que ne soit pas détruit et vendu notre pays, qu’on appelle "le Mexique" et qui va du Rio Bravo au Rio Suchiate et qui est bordé, d’un côté, par l’océan Pacifique, et de l’autre, par l’océan Atlantique.

VI. COMMENT NOUS ALLONS LE FAIRE

Alors voici notre parole simple, qui s’adresse aux gens humbles et simples du Mexique et du monde et que nous appelons en cette occasion :

Sixième Déclaration de la forêt Lacandone

Et nous voici venus pour dire, avec notre parole simple, que...

L’EZLN renouvelle ses engagements concernant le maintien du cessez-le-feu offensif et elle ne lancera aucune attaque contre les forces gouvernementales et n’effectuera aucun mouvement de troupes offensif.

L’EZLN renouvelle ses engagements concernant la poursuite de ses activités dans le cadre de la lutte politique, avec l’initiative pacifique actuelle. Par conséquent, l’EZLN maintient sa volonté de n’entretenir aucune sorte de relation secrète avec des organisations politico-militaires mexicaines ou d’autres pays.

L’EZLN renouvelle ses engagements concernant la défense, le soutien et l’obéissance aux communautés indigènes zapatistes qui la constituent ainsi qu’à leur commandement suprême, et, sans interférer avec leurs méthodes démocratiques internes et dans la mesure de ses possibilités, elle contribuera au renforcement de leur autonomie, de leur bon gouvernement et à l’amélioration de leurs conditions de vie. Autrement dit, ce que nous allons faire au Mexique et dans le monde, nous le ferons sans armes, dans le cadre d’un mouvement civil et pacifique, et sans négliger ni cesser de soutenir nos communautés.

Par conséquent...

Dans le monde...

1. Nous établirons plus de relations respectueuses et de soutiens mutuels avec des personnes et des organisations qui résistent et luttent contre le néolibéralisme et pour l’humanité.

2. Dans la mesure de nos possibilités, nous fournirons des aides matérielles, des aliments et de l’artisanat aux frères et sœurs qui luttent dans le monde entier.

Pour commencer, nous allons demander au conseil de bon gouvernement de La Realidad de nous prêter le camion baptisé "Chompiras", d’une capacité d’environ 8 tonnes, et nous allons le remplir de maïs et si possible de deux bidons de 200 litres chacun rempli d’essence ou de pétrole, selon les besoins, que nous allons livrer à l’ambassade de Cuba à Mexico, pour qu’elle le fasse parvenir au peuple cubain en tant que soutien des zapatistes à sa résistance au blocus nord-américain. Mais s’il y avait un endroit plus près où livrer, ce ne serait pas plus mal, parce qu’il faut toujours aller jusqu’à Mexico qui est bien loin et il n’est pas impossible que "Chompiras" rende l’âme et alors on n’en mènerait pas large. Et de toute façon, ce ne serait pas avant la récolte et si on ne nous attaque pas, parce que tout est encore vert dans la milpa et que si nous l’envoyons maintenant, ce sera de l’elote qui n’arriverait pas en bonnes conditions, même sous forme de tamales. Ce serait mieux en novembre ou en octobre, au choix.

Et nous allons aussi nous mettre d’accord avec des coopératives d’artisanat de femmes pour pouvoir envoyer une bonne cargaison de vêtements brodés aux Europes, qui ne seront peut-être plus une Union, et peut-être aussi du café écologique des coopératives zapatistes, pour les vendre et avoir un peu de sous pour leur lutte. Et si cela ne se vend pas, ils pourront toujours se faire un petit café et causer de la lutte antinéolibérale, et s’il fait froid, ils pourront mettre les vêtements brodés zapatistes, qui résistent parfaitement au lavage à la main et à la pierre, et qui ne déteignent pas, en plus.

Et nous allons aussi envoyer aux frères et sœurs indigènes de Bolivie et d’Équateur un peu de maïs non transgénique. Il y a juste que nous ne savons pas où le livrer pour qu’il arrive en de bonnes mains, mais nous aimerions vraiment fournir cette petite aide.

3. Et nous disons à tous ceux et à toutes celles qui résistent dans le monde entier qu’il faut organiser d’autres rencontres intercontinentales, même si ce n’est qu’une seule de plus. En décembre ou en janvier prochain, peut-être, il faudrait y penser. Nous ne voulons pas fixer de date, parce qu’il s’agit de faire les choses en se mettant tous d’accord sur où, comment et qui. Mais il ne faudrait pas que ce soit ce genre de rencontre avec estrades où il n’y en a que quelques-uns qui parlent pendant que les autres écoutent, mais une rencontre sans formalités, tout le monde sur le même plan et tout le monde parle. Avec un peu d’ordre quand même, parce que, sinon, c’est rien que du bruit et on ne comprend rien à ce qui est dit, alors qu’avec un peu d’organisation tout le monde écoute et peut prendre note des paroles de résistance des autres pour pouvoir les rapporter à leurs compañeros et compañeras dans leur propre monde. Et nous avons pensé que ça pourrait se faire dans un endroit où il y a une grande prison, pour le cas où il y aurait de la répression et qu’on nous emprisonne et, comme ça, nous ne serions pas entassés les uns sur les autres. En prison, soit, mais bien organisés, et nous pourrions continuer en prison la rencontre intercontinentale pour l’humanité et contre le néolibéralisme. Alors, plus loin nous allons vous dire comment faire pour nous mettre d’accord sur la manière de se mettre d’accord. Enfin, en tout cas, c’est comme ça que nous pensons faire ce que nous voulons faire dans le monde. Mais d’abord...

Au Mexique...

1. Nous allons continuer à lutter pour les peuples indiens du Mexique, et plus seulement pour eux ni rien qu’avec eux, mais aussi pour tous les exploités et les dépossédés du Mexique, avec eux tous et dans l’ensemble du pays. Et quand nous parlons de tous les exploités du Mexique, nous parlons aussi des frères et sœurs qui ont dû partir aux États-Unis chercher du travail pour pouvoir survivre.

2. Nous allons aller écouter et parler directement, sans intermédiaires ni médiations, avec les gens simples et humbles du peuple mexicain et, en fonction de ce que nous entendrons et apprendrons, nous élaborerons, avec ces gens qui sont, comme nous, humbles et simples, un programme national de lutte. Mais un programme qui soit clairement de gauche, autrement dit anticapitaliste et antinéolibéral, autrement dit pour la justice, la démocratie et la liberté pour le peuple mexicain.

3. Nous allons essayer de construire ou de reconstruire une autre façon de faire de la politique, une façon qui renoue avec l’esprit de servir les autres, sans intérêts matériels et avec sacrifice, en consacrant son temps et avec honnêteté, en respectant la parole donnée et avec pour seule paye la satisfaction du devoir accompli. Autrement dit, comme le faisaient auparavant les militants de gauche que rien n’arrêtait, ni les coups, ni la prison, ni la mort, et encore moins des dollars.

4. Nous allons aussi essayer de faire démarrer une lutte pour exiger une nouvelle Constitution, autrement dit des nouvelles lois qui prennent en compte les exigences du peuple mexicain, à savoir : logement, terre, travail, alimentation, santé, éducation, information, culture, indépendance, démocratie, justice, liberté et paix. Une nouvelle Constitution qui reconnaisse les droits et libertés du peuple et qui défende le faible contre le puissant.

DANS CE BUT...

L’EZLN enverra une délégation de sa direction pour accomplir cette tâche sur l’ensemble du territoire mexicain et pour une durée indéterminée. Cette délégation zapatiste se rendra aux endroits où elle sera expressément invitée, en compagnie des organisations et des personnes de gauche qui auront souscrit à cette Sixième Déclaration de la forêt Lacandone.

Nous informons à l’avance que l’EZLN mènera une politique d’alliances avec des organisations et des mouvements non électoralistes qui se définissent, en théorie et en pratique, comme des mouvements et organisations de gauche, aux conditions suivantes :

Non à des accords conclus en haut pour imposer en bas, mais oui à la conclusion d’accords pour aller ensemble écouter et organiser l’indignation ; non à la création de mouvements qui soient ensuite négociés dans le dos de ceux qui y participent, mais oui à toujours tenir compte de l’opinion des participants ; non à la recherche de récompenses, de promotion, d’avantages, de postes publics, du pouvoir ou de qui aspire au pouvoir, mais oui à outrepasser les calendriers des élections ; non à la tentative de résoudre d’en haut les problèmes de notre pays, mais oui à la construction PAR LE BAS ET POUR EN BAS d’une alternative à la destruction néolibérale, une alternative de gauche pour le Mexique.

Oui au respect réciproque de l’autonomie et de l’indépendance d’organisations, à leurs formes de lutte, à leur façon de s’organiser, à leurs méthodes internes de prises de décision, à leurs représentations légitimes, à leurs aspirations et à leurs exigences ; et oui à un engagement clair et net de défense conjointe et coordonnée de notre souveraineté nationale, par conséquent avec une opposition sans concessions aux tentatives de privatisation de l’énergie électrique, du pétrole, de l’eau et des ressources naturelles.

Autrement dit, nous invitons comme qui dirait les organisations politiques et sociales de gauche qui ne sont pas officiellement déclarées et les personnes qui se revendiquent de gauche sans appartenir aux partis politiques officiels à nous réunir, au moment, à l’endroit et de la manière que nous leur proposerons en son temps, afin d’organiser une campagne nationale, en parcourant tous les lieux même les plus reculés de notre patrie, pour écouter et organiser la parole de notre peuple. Alors, c’est comme une campagne, mais bien différente parce qu’elle n’est pas électorale.

Frères et sœurs,

Voici notre parole. Nous disons :

Dans le monde, nous allons davantage fraterniser avec les luttes de résistance contre le néolibéralisme et pour l’humanité.

Et nous allons soutenir, même si ce n’est qu’un petit peu, ces luttes.

Et nous allons échanger dans un respect mutuel expériences, histoires, idées et rêves.

Au Mexique, nous allons parcourir l’ensemble du pays, au milieu des décombres qu’a semés la guerre néolibérale et parmi les résistances, retranchées, qui y fleurissent.

Nous allons chercher, et trouver, des gens qui aiment ces terres et ces cieux au moins autant que nous.

Nous allons chercher, de La Realidad à Tijuana, des gens qui veulent organiser et lutter et construire, qui sait, le dernier espoir que cette nation, qui existe au moins depuis le jour où un aigle s’est posé sur un nopal pour y dévorer un serpent, ne meure pas.

Nous invitons les indigènes, les ouvriers, les paysans, les professeurs, les étudiants, les ménagères, les habitants des quartiers, les petits propriétaires, les petits commerçants, les micro-chefs d’entreprise, les retraités, les handicapés, les prêtres et les bonnes sœurs, les chercheurs, les artistes, les intellectuels, les jeunes, les femmes, les vieillards, les homosexuels, les lesbiennes et les enfants, garçons et filles, à participer directement, de manière individuelle ou collective, à la construction d’une autre façon de faire de la politique et d’un programme de lutte national et de gauche, et à lutter pour une nouvelle Constitution.

Voilà quelle est notre parole pour dire ce que nous allons faire et comment nous allons le faire. Elle est à votre disposition, si cela vous intéresse.

Et nous voulons dire aux hommes et aux femmes à la pensée bonne dans leur cœur, qui seraient d’accord avec cette parole que nous donnons, de ne pas avoir peur ou, s’ils ont peur, de se dominer et de dire publiquement s’ils sont d’accord avec cette idée que nous lançons. Comme ça, on verra enfin une fois pour toutes avec qui, où, quand et comment va être franchi ce nouveau pas dans la lutte.

Pendant que vous y réfléchissez, sachez que, en ce sixième mois de l’an 2005, nous, les hommes, les femmes, les enfants et les anciens de l’Armée zapatiste de libération nationale, nous avons déjà pris notre décision et que nous souscrivons à cette Sixième Déclaration de la forêt Lacandone, et qu’elle a été contresignée par ceux qui savaient signer et que ceux qui ne savaient pas ont mis leurs empreintes, bien qu’il y ait moins de personnes maintenant qui ne savent pas, parce qu’une éducation a pu être donnée ici, dans ce territoire en rébellion pour l’humanité et contre le néolibéralisme, autrement dit sous les cieux et sur les terres zapatistes.

Voilà quelle a été notre parole simple s’adressant aux cœurs nobles des gens simples et humbles qui résistent et se rebellent contre l’injustice dans le monde entier.

DÉMOCRATIE !
LIBERTÉ !
JUSTICE !

Des montagnes du Sud-Est mexicain.
Comité clandestin révolutionnaire indigène
Commandement général de l’Armée zapatiste de libération nationale.
Mexique, en ce sixième mois, autrement dit en juin, de l’an 2005.

Traduit du castillan par Angel Caído, compañero que nous remercions chaleureusement.

Brochure de la Sixième déclaration de la forêt Lacandone

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20 novembre 2008

LEGEREMENT BEDONNANT.

Notre periple colombien nous conduit jusqu'a TAGANGA, pres de SANTA MARTA, PA261003petit village de pecheurs au bord de la mer des Caraibes (excusez-nous du peu !!).
Droit devant, Martinique, Haiti, Jamaique et Cuba que nous ne pouvons que deviner..

Ici la vie s'écoule paisiblement et sans trop d'effort !! Les ressources principales sont la peche, quand elle est bonne, et le tourisme qui se developpe a vitesse grand V et fait pousser des hotels un peu partout.
Dans un premier temps notre principale activité sera la baignade et les trois douches froides et quotidiennes, indispensables pour supporter les températures caniculaires.
En trois mots,  NOUS SOUFFRONS TERRIBLEMENT!

Sursaut de courage ou de folie, nous decidons de partir pour six jours de marche (aller-retour) a la decouverte de la "cuidad perdida" (citée perdue) en pleine jungle primaire de la sierra Nevada. Au depart nous serons seuls avec Bonnett, un des plus anciens guide du coin, legerement bedonnant !, PB011036que nous semerons a plusieures reprises !! Puis au deuxieme jour nous serons rejoint par quatre sympatiques francais et deux autres guides, plus jeunes et plus vaillants !! ....desormais nous resterons derriere !
Le parcours ne presente pas de grandes difficultés, mais les étapes sont parfois longues (6 a 8 heure par jour) et la fatigue fini par nous gagner.

PB061219Apres un premier passage dans les zones montagneuses et vivrieres, ou vivent et travaillent les paysans anciens producteurs de coca aujourd'hui reconvertis dans le café, nous entamons des sentiers argileux, en pentes raides et parfois extrement étroits. Les pluies quotidiennes et diluviennes nous ont preparées le terrain !! Nos pieds s'y enfoncent, jusqu'aux chevilles au risque d'y laisser nos pompes !!PB061210

Au troisieme jour nous sommes enfin dans la jungle, le but n'est plus tres loin !! Extraordinaire vegetation et sons aussi insolites qu'étranges, tant de beautes qui nous feraient presque oublier les dangers. PB031102

Un rio que nous traverserons une fois en nacelle et une bonne dizaine d'autres fois a pied, se presentant de plus en plus profond et violent. Des rochers glissants dix metres au dessus du courant, qu'il faudra escalader tres prudemment et une quantité de petites bebetes comme serpents et fourmis carnivores qu'il est préferable de ne pas rencontrer !.PB031087

Tout au long du chemin, nous croiserons les KOGIS, PB031093derniers habitants de ces regions inhospitalieres, descendant des TAYRONAS aujourd'hui disparus et anciens batisseurs de cette fameuse CUIDAD PERDIDA.

Ce site, lieu de ceremonie ou s'executent encore aujourd'hui les Mamos (chamans), est une pure merveille. PB041130Perchée a 1200 m d'alt, decouverte dans les années 60 par des pilleurs de tombes, cette citée se presente sous forme de terrasses rondes sur lesquelles etaient counstruites les " nuhé ", habitats indigenes que vous pourriez admirer au parc de tete d'or a Lyon ( voir article qui suit).PB021073

Apres de multiples pillages et quelques tueries ( le site regorgeait de statuettes d'or), on installa des camps de surveillance militaire, encore presents, et on commenca un long travail de restauration. Ce projet, tout comme l'acces aux touristes a partir des années 80, s'effectuera sous l'oeil avisé des KOGIS, qui, aujourd'hui encore, régule le flux des visiteurs.

Ici donc, ce n'est pas le Machu-Pichu.. Nous passerons une journée entiere sur le site a dix personnes, dont quatres guides qui assurerons l'installation du couchage et la préparation des repas. PB051137L'argent versé est redistribué en partie aux motards et aux muletiers ( locaux) qui tansporteront hamacs, couvertures et vivres, aux guides et a la communauté Kogis.
Nous repartirons sous une pluie battante qui ne parviendra pas a gacher le plaisir d'etre venu jusque la, loin de tout, et pourtant si proche de l'essentiel....


Nous quittons la Colombie ce 12 novembre pour rejoindre le Mexique. Au programme plus de 50 heures de bus a travers le Panama, Costa Rica, Nicaragua, Honduras, Salvador et Guatemala. Nous voici a SAN CRISTOBAL DE LAS CASAS, aux portes des caracoles zapatistes.
Demain nous esperons entrer a OVENTIK pour rejoindre une communauté....une affaire a suivre de pres.

                                           
             Daniel et Celine de SAN CRISTOBAL DE LAS CASAS...le 20 nov.




POUR LES CURIEUX, MANIFESTATIONS A PROPOS DES KOGIS ET PLUS D'INFOS SUR :http://www.tchendukua.com/


Nuhé, chaumière indienne au cœur de la Tête d'Or

Kogis_001 CULTURE – L'aspect original de sa toiture la distingue au sein des espaces boisés du parc de la Tête d'Or. Quelques morceaux de bois solidement ficelés forment un cône qui sera peu à peu recouvert d'un dense tapis de paille. Des matériaux issus de son environnement proche, ou recyclés, comme le prévoient les rites Kogis. Ce mardi, une poignée de bénévoles a finalisé la construction d'une Nuhé, bâtisse traditionnelle de cette tribu indienne du nord de la Colombie... 

Initialement, elle devait être détruite après la fin des « Dialogues en humanité », trois jours d'ateliers et de discussions sur la question humaine qui se sont tenus début juillet, et au cours desquels sa construction avait débuté. La municipalité a finalement décidé de laisser la maison au Parc de la Tête d'Or, à la disposition des promeneurs. Une manière de réaffirmer sa volonté de faire du lieu un havre écologique.

Dialogues.
S'il y a bien une chose à laquelle Eric Julien tient comme à la prunelle de ses yeux, c'est bien à la survie des indiens Kogis. Il y a quelques années, cette tribu vieille de 3000 ans sauve le géographe français d'un œdème pulmonaire lors d'un voyage en Colombie. Depuis, il œuvre pour sa sauvegarde en achetant pour ses membres des hectares de terre avec son association, Tchendukua. Pour sensibiliser les promeneurs au sort réservé à ces indiens de Colombie, il dirige jusqu'à ce mercredi au parc de la Tête d'Or les travaux d'une réplique de la Nuhé, lieu symbolique de la vie des Kogis.

Les Kogis entretiennent un rapport quasi-filial à la terre et se soignent par les plantes. « Leur philosophie est simpleKogis_003_2: pour eux, chercher à dominer l'autre, c'est se détruire sois-même », explique Geneviève Ancel, conseillère technique pour le développement durable au Grand Lyon. Traditionnellement, la tribu réunit ses membres dans la Nuhé pour discuter des problèmes du groupe. D'ordinaire sans chef, elle choisit à cette occasion le membre le plus compétent pour mener le débat. « Cette façon de procéder ne peut que nous interpeller sur notre manière de gérer les conflits », analyse Geneviève Ancel. Comme au sein des Kogis, la construction de la Nuhé du parc de la tête d'Or a permis à quelques bénévoles d'ouvrir un dialogue sur le chantier. Plus tard, elle rassemblera peut-être les promeneurs du parc.

B.P.



22 octobre 2008

ARGENTINE: MOCASE- DES NOUVELLES DU FRONT

Argentine : Persécutions et détentions massives de paysans Convertir en PDF Version imprimable Suggérer par mail
21-10-2008

Durant les derniers mois, dans les provinces de Mendoza, Santiago del Estero et Formosa, 35 paysans ont été arrêtés et 95 mandats d’arrêt ont été délivrés. Les entrepreneurs ont recours à la justice pour les expulser de leurs terres, mais personne ne reçoit les dénonciations des paysans pour les atteintes qui leur sont portées. 

L’agriculture paysanne représente 70 pour cent des exploitations agricoles d’Argentine, elle produit 53 pour cent des aliments consommés dans le pays et fournit la moitié du travail rural, d’après les chiffres officiels. Les organisations paysannes sont également à la tête des statistiques d’expulsions, emprisonnements et répressions, qui se sont transformés en faits quotidiens pendant la dernière décennie. L’avancée répressive a eu son point culminant le mois dernier : 35 paysans prisonniers et 95 mandats d’arrêt, et ce, dans trois provinces, Santiago del Estero, Mendoza et Formosa. Dénoncée comme une « chasse aux sorcières », la judiciarisation de la lutte rurale avance sur les familles qui refusent la culture de soja, sèment pour l’autoconsommation, élèvent des animaux et travaillent la terre de leurs propres mains, et qui sont la base de la pyramide rurale. « Les paysans en lutte souffrent une persécution politique, violente et impunie. Nous exigeons l’immédiate libération des compagnons, l’investigation des fonctionnaires, juges et policiers qui ont violé les droits de l’homme et nous exigeons la suspension des expulsions », a dénoncé le Mouvement National Paysan Indigène (MNCI), qui réunit 15.000 familles rurales de sept provinces.

À Mendoza, il n’y a pas de soja, mais l’avancée de la monoculture dans d’autres régions a produit le décalage de la frontière de l’élevage et entraîne par conséquent des expulsions. Des familles paysannes historiques ont observé comment les grands propriétaires ont avancé sur leurs terres. José Quintero a sept enfants, il habite à Jocoli, département de Lavalle et est membre de l’Union de Travailleurs Ruraux Sans Terre (UST). Son père élevait des animaux depuis 1976, et lui a continué l’office. Depuis plus de vingt ans, il occupe et travaille un terrain où broutent des chèvres, des cochons et des chevaux. Même s’il a une propriété protégée par la loi, la Ligue d’adjudicateurs a vendu la terre avec les paysans dedans. L’UST, membre du MNCI, a dénoncé ce fait et a obtenu que la Justice dicte « la suspension de toute la procédure de vente publique », et commence une investigation des faits. Elle a également admis la présentation des droits de possession de José Quintero. La propriété n’a pas pu être inscrite par les entrepreneurs, mais ceux-ci sont quand même entrés avec des bulldozers et ont commencé à saccager le mont. Quintero est allé au commissariat de Jocoli, mais la police n’a pas voulu recevoir sa plainte. Comme seul choix, et avec l’UST, il a commencé à arrêter les bulldozers. Les policiers ont alors agi : ils ont incarcéré Quintero et deux autres membres de l’organisation. Ils ont également ordonné la capture de dix autres travailleurs ruraux.

« La Justice et la police n’agissent jamais face aux dénonciations des paysans. En revanche, il suffit d’un coup de téléphone des entrepreneurs pour que la police agisse immédiatement. », a dénoncé l’UST de Mendoza et a signalé la question de fond : « Il y a une évidente persécution et une criminalisation de la lutte pour les droits des paysans et une tentative d’installer la terreur dans la région, pour que les entrepreneurs puissent s’emparer des terres sans résistance de la part des possesseurs légitimes et légaux ».

Dans le département de San Rafael, dans le sud de la province, quatre autres militants paysans de l’UST doivent faire face à des procès, accusés d’ « usurpation » de la terre sur laquelle ils habitent depuis trois générations. 30 autres paysans sont inculpés pour avoir résisté à l’expulsion de leurs terres ancestrales. « Nous sommes protégés par des lois et des articles du Code civil, mais certains juges, procureurs et policiers semblent ne pas connaître la législation », ont dénoncé les Sans Terre de Mendoza.

À Formosa, le Movement Paysan Provincial (Mocafor) fait partie du récemment créé Front National Paysan (FNC), issu du conflit avec les entités patronales agricoles et le gouvernement, qui a soutenu la Résolution 125 (augmentation des taxes sur les exportations de grains, dont le soja ogm, NdT) et s’est mobilisé au Congrès pour qu’elle soit approuvée. Le gouverneur Gildo Insfrán est un allié du gouvernement, mais cela n’a pas eu d’influence au moment de criminaliser l’organisation. En deux jours, celle-ci a souffert la détention de trois militants, qui avaient résisté aux atteintes des entrepreneurs et l’ordre de capture de cinq autres a été lancé. Le centre du conflit est l’Estancia La Florencia, de 90 mille hectares, à l’ouest de la province de Formosa, qui prétend expulser ses habitants historiques. « Nous avions fait une trêve, sans mobilisations, en recherchant le dialogue, et la Justice, qui obéit au gouverneur nous jette en prison », a expliqué Benigno López, référent du Mocafor. Il a également souligné que dans tout le pays « la violence et la répression s’accentuent pour que les paysans abandonnent leurs terres, mais nous ne permettrons pas que cela arrive».

Pionniers dans la lutte contre la monoculture de soja et le déboisement, le Mouvement Paysan de Santiago del Estero (Mocase – Via Campesina) réunit 9000 familles. Ils font face aux paramilitaires et aux producteurs de soja, ils ont leur propre école, des radios communautaires et leurs initiatives productives. À chaque fois qu’ils ont été expulsés, ils ont réussi à récupérer leurs terres. Le mois dernier, ils ont été victimes de 29 détentions, 50 mandats d’arrêts, et de tortures propres de la dictature militaire, de pillages de leurs logements de la part des effectifs de police, de simulations de fusillade, de coups de feu avec balles en caoutchouc à une distance très proche, de coups, de torture.

« Vu qu’ils n’ont pas pu coopter le Mocase-Via Campesina, ils prétendent le désarticuler et s’approprier des terres ancestrales. C’est une action conjointe du pouvoir politique et judiciaire de Santiago del Estero pour favoriser l’agrobusiness et les grands propriétaires de la terre », a affirmé l’organisation paysanne.

En seulement un mois, l’organisation a souffert une demi-douzaine de perquisitions dans les localités de Monte Quemado, Pinto, Quimilí, Tintina, Atamisqui et Termas de Río Hondo. La répression a inclus coups de poing, coups de pied, insultes, vols dans les fermes paysannes, ils ont détruit les logements, et en ont soustrait des outils en les emportant dans une camionnette. Toutes les opérations ont été réalisées de façon spectaculaire, avec plus de trente policiers avec des armes longues et le visage couvert. La police parcourait les parages et les fermes, perquisitionnait sans mandat judiciaire et détenaient sans aucune raison. « Une chasse aux sorcières », a dénoncé le Mocase-VC, également membre du Mouvement Paysan Indigène (MNCI).

Les accusations faites aux paysans vont de « vol d’un cheval » – d’après la plainte déposée et ayant provoqué des perquisitions massives –, jusqu'à de soi-disant « menace de mort, port d’armes, et vol de produits forestiers ». La plupart des procès sont entre les mains des juges Alvaro Mansilla, Jorge Salomon, Ramon Tarchini Saavedra et Anselo Juárez – ancien avocat de Musa Azar, chef d’intelligence de l’ancien caudillo de cette province –. « Ce sont les accusations qu’ont l’habitude de faire les grands propriétaires de la région contre ceux qui freinons le déboisement et les barbelés et qui faisons respecter nos droits. D’après les juges, lorsque c’est nous qui portons plainte, nous inventons, et lorsque c’est eux qui en déposent une contre nous, alors il s’agit de faits délictuels », a expliqué le Mocase-VC qui exige le respect de la Loi de Forêts (censée freiner le déboisement) et la norme d’ « Urgence Indigène 26 160 » (frein aux expulsions). Aucune de ces lois n’est respectée à Santiago del Estero.

Mercredi dernier, les paysans de Santiago ont installé une tente noire devant les tribunaux de la capitale provinciale. Ils exigent la libération immédiate et l’annulation des « procès inventés » qui maintiennent prisonniers depuis 40 jours Luis et Santos Gonzalez, membres du Mocase-VC accusés pour avoir résisté à l’expulsion de leurs terres ancestrales.

Darío Aranda, Página/12, 20 octobre 2008,
http://www.pagina12.com.ar/diario/sociedad/3-113628-2008-10-20.html

Traduit par eli

http://amerikenlutte.free.fr

22 octobre 2008

POUR EN SAVOIR PLUS SUR LES F.A.R.C...

Interview de Jaime Guaracas, guérillero légendaire

« Malheureusement, la paix n’est pas entre les mains des FARC »

CALVO OSPINA Hernando

Il me reçoit dans ce coin perdu du monde. La chaleur est extrême et la couleur des nuages annonce une averse. Remarquant ma préoccupation, il m’assure que cette maisonnette, faite de bois et de feuilles, a déjà résisté à de nombreuses tempêtes. Je constate que dans cette petite salle, les livres constituent l’unique luxe. Au fil des heures, je m’aperçois que deux photos en sont ses trésors : sur les deux, il pose avec Manuel Marulanda Velez, le commandant des Forces Armées Révolutionnaires de Colombie, FARC, mort récemment.

J’ai devant moi l’un des plus légendaires guérilleros de Colombie : Jaime Guaracas. Il est l’un des mythes révolutionnaires encore en vie, qui a pris part à la fondation et au développement des FARC. Lors de la Septième Conférence, en mai 1982, il a été élu au Secrétariat, la plus haute autorité de cette organisation. Une fonction que son état de santé l’obligera à abandonner.

Il raconte que ses « infirmités », sont apparues petit à petit, conséquences des tortures qui lui furent infligées après son arrestation, le 5 avril 1973à Cali, au sud-ouest du pays. « Les militaires m’ont enfermé pendant trois mois dans une cellule appelée « dompte-fous » et m’ont soumis aux méthodes les plus sauvages q’ils avaient apprises auprès des spécialistes étasuniens . »

Guaraca a une mémoire photographique. Il se rappelle quel mois, quel jour et dans quelle rivière, colline, chemin ou village éloigné, se sont produits des événements essentiels de l’histoire colombienne, que bien peu de gens connaissent.

Voici un aperçu de la conversation que j’ai pu avoir avec ce personnage qui n’a pratiquement jamais donné d’interviews.

D’où êtes-vous originaire, Jaime Guaracas ?

Je viens d’une famille paysanne très modeste qui exploitait un bout de terre dans le Tolima, au sud de la Colombie. Mes parents ont défriché la forêt pour construire deux petites fermes, où nous sommes nés, six garçons et deux filles. Je suis le seul de la famille encore en vie. Ma mère et ma petite sœur sont mortes très jeunes, faute de médecin.

Le 9 avril 1948, après l’assassinat du dirigeant libéral Jorge Eliecer Gaitan, la violence du gouvernement conservateur contre les libéraux et les communistes s’est propagée dans tout le pays. Ma famille a dû faire la même chose que des milliers de paysans : se cacher dans la forêt pour échapper à la mort. Mes frères aînés se sont mis à la recherche d’autres jeunes qui étaient en train de s’organiser pour défendre leur vie. En effet la police les poursuivait afin de les assassiner, parce qu’ils avaient commis le délit d’être libéraux. Ces jeunes sont devenus des guérilleros qui luttaient contre la dictature fasciste. Moi, j’étais très jeune.

Quand avez-vous pris part à la lutte de guérilla ?

En 1953, le général Gustavo Rojas Pinilla a pris le pouvoir.

Face à son offre de paix aux rebelles en armes, les guérillas libérales se sont démobilisées. Quelques-uns de ses commandos, qui avaient combattu aux côtés des communistes, ont décidé de s’allier avec le gouvernement militaire pour nous persécuter.

La consigne du gouvernement était de nous éliminer et pour cela, il comptait sur l’armée, la police, les conservateurs et les libéraux. Alors, dirigés par Jacobo Prias, plus connu sous le nom de « Charro Negro », le chef du mouvement communiste paysan, nous avons décidé de nous replier.

Charro nous a rassemblés. Nous étions environ quatre-vingt guérilleros. Il nous a expliqué que les offres de Rojas Pinilla n’étaient pas ce dont la Colombie et les Colombiens avaient besoin. Que tout cela n’était que mensonge et qu’on s’en apercevrait bientôt. C’est pourquoi il n’acceptait aucune reddition d’armes. Après, il a demandé que ceux qui voulaient le suivre s’avancent d’un pas, ajoutant que ça devait être une décision volontaire, et répétant que la lutte serait longue et dure. Je l’ai fait. J‘avais quinze ans à peine.

Avec nous, il y avait le camarade Marulanda, qui s’était joint au mouvement d’autodéfense communiste du Tolima en 1953. Don Pablo,son père, déjà vieux nous accompagnait aussi.

Nous étions trente : 26 hommes et 4 femmes.

Comment s’est poursuivi le processus d’organisation de ce qui allait devenir les FARC ?

Le 27 mai 1964 est considéré comme la date de la fondation des FARC. Ce jour-là notre région a été attaquée. C’était dans le cadre de l’Opération Marquetalia qui était une guerre contre-insurrectionnelle préventive. On a dit que cette zone et d’autres étaient des « républiques indépendantes », mais je peux vous assurer qu’il n’en était rien. C’était juste un prétexte pour nous envoyer 16 000 hommes de l’armée, bien équipés, ainsi que des avions, des hélicoptères et l’artillerie.

Les véritables commandants étaient étasuniens. Nous avions de petits appareils de communication, « talkie-walkies » et chaque fois que nous les allumions, nous entendions seulement les gringos. J’en avais assez de les entendre.

Où que nous regardions, il y avait des troupes. Et malgré notre manque d’expérience et de bon armement, et alors que nous n’étions que 52 hommes et 3 femmes, nous les avons affrontés.

Dans ce cas, que signifie  « affronter » ? C’était la bataille d’une fourmi contre un éléphant !

Attendre, jusqu’à ce que ceux qui, en particulier, menaient la colonne, arrivent à l’endroit où la carabine pouvait les atteindre. Reculer, et recommencer à attendre.

Cela m’a toujours paru irréel que ce petit nombre de paysans n’ait pas été complètement anéanti.

Oui, c’est vrai : j’ai leurs noms à tous, ainsi que le nom de leurs petites fermes.

Mais vous voyez, ce fut une très bonne chose, car au milieu de tant de difficultés, cela nous a rassemblés. Alors, le camarade Marulanda nous a demandé : -On résiste ou on se rend ? Et nous avons tous dit : Résistons ! - Sommes nous libres ou esclaves ? Et nous avons répondu : Nous lutterons pour être libres !

D’où vient le nom de FARC ? Et à quel moment Manuel Marulanda en a-t-il pris la direction ?

Malgré la poursuite des opérations militaires en 1966, nous avons organisé la Deuxième Conférence, entre avril et mai, dans la région de Duda, département du Meta. C’est là qu’on a discuté et décidé que l’organisation s’appellerait FARC.

Pendant cette Conférence à laquelle ont participé quelque 350 combattants, l’idée que nous avions s’est concrétisée : créer une seule organisation qui regrouperait des forces de différentes zones, sous le commandement d’une seule direction. Il en fut ainsi : on a nommé un Etat-Major, avec à sa tête, le camarade Marulanda. Manuel fut confirmé dans sa fonction de chef, car il l’était déjà depuis l’assassinat de Charro, en janvier 1960. On l’a tous accepté comme tel, car ce rôle lui revenait de façon incontestable.

Entre 1967 et 1970, plus ou moins, les FARC naissantes ont traversé une grave crise due aux coups de l’ennemi. Une fois cette crise surmontée, les FARC ont commencé à faire preuve d’une grande méthodologie politique et militaire. D’où vient-elle, en particulier la militaire ? Avez-vous eu des instructeurs ?

C’est une question très importante parce qu’en ce moment on dit beaucoup de choses pour essayer de minimiser l’œuvre d’un groupe d’hommes qui a tout abandonné pour le bien du peuple colombien.

Quand nous avons dû faire face à l’Opération Marquetalia, aucun de nous n’avait d’expérience militaire. Nous ne savions pas quel type d’armée nous allions affronter. Nous avions deux réservistes, mais ils ne connaissaient pas de techniques de combat, ni même comment faire une embuscade. Je vous le dis, cela a été très dur.

Le camarade Marulanda fut le seul qui se mit à étudier la tactique et la stratégie militaire.

Quelle a été sa méthode ?

C’était un observateur, de tous les aspects de la vie humaine. Dans le domaine militaire, il observait, réfléchissait à la façon dont se comportaient la police et l’armée dans les combats. Il en tirait ainsi des enseignements.

Sans instructeur, c’est la pratique qui a été notre école. Nous avons appliqué une méthode qui, jusqu’à aujourd’hui, me paraît bonn :: les réunions de bilan. Elles permettaient au guérillero d’exposer tout ce qu’il avait vu, senti, écouté. Ensuite, le camarade Marulanda résumait, et nous expliquait le pourquoi de nombreuses choses et erreurs.

Il en fut ainsi, jusqu’à ce qu’il voit la nécessité de se mettre à étudier. C’était un autodidacte de premier ordre. Il lisait Lénine, Marx, Bolivar, sur la guerre au Vietnam et la guerre de guérillas de Mao. Il lisait les manuels militaires, en particulier ceux de l’armée colombienne, car il disait qu’il fallait connaître l’ennemi de l’intérieur.

Nous sommes restés sans école d’instructeurs jusqu’en 1972. C’est le camarade Marulanda qui commença à donner des cours, à former des instructeurs, à transmettre l’expérience. C’est une partie de l’œuvre qu’il a laissée, en plus de la fidélité à la cause. Cela représente 59 années de vie guérillera.

(Un chien s’obstine à aboyer, attiré peut-être par la délicieuse odeur du repas qu’on prépare. Cela ne perturbe pas Jaime Guaraca. La tempête s’est arrêtée, mais les nuages gris ne discontinuent pas.

Il a vidé d’un seul trait le verre de jus qu’on nous a apporté, pour la deuxième fois, préparé avec des fruits qui ne poussent que sur ces terres. Nous discutons déjà depuis un bon moment. L’évocation de tant de souvenirs semble lui insuffler une énergie supplémentaire. Il est temps de parler de thèmes actuels.)

Que dites-vous des accusations qu’on porte sur les FARC ? Qu’il s’agit d’une « narcoguérilla », par exemple ?

Le gouvernement, la grande presse et beaucoup de ceux qui se disent intellectuels, à l’intérieur et hors de la Colombie, ont dit que les FARC avaient changé. Que c’était au départ un groupe qui avait un programme révolutionnaire, qui luttait pour la réforme agraire et que d’un moment à un autre,disent-ils, il s’est converti en ce qu’on nomme une « narcoguérilla ». Et là on se dit : quelle manière de récupérer les termes selon leurs besoins !

Quand les groupes révolutionnaires ont fait leur apparition, on les appelait « vermine », ce qui est indigne. Peu après, on les a dénommés « communistes », en racontant que le communisme était ce qu’il y a de pire. En fait, ils disaient du communisme exactement ce qu’ils faisaient contre les Colombiens. Ensuite, on les a traités d’antisociaux, de criminels, de bandits et de tous les termes qu’on peut imaginer. L’accusation s’est transformée, jusqu’à ce qu’on arrive à celle de « narcoguérilla », un terme imposé par l’ex-ambassadeur étasunien, Lewis Tambs. Voyez comme la vie est ironique : ce même personnage a été expulsé du Costa Rica pour narcotrafic !

On critique beaucoup les FARC pour la détention de militaires et de policiers.

Ils n’ont pas été kidnappés, ils ont été capturés au combat. Ce sont donc des prisonniers de guerre, comme le sont les guérilleros qui sont dans leurs prisons.

Mais on ne peut pas en dire autant à propos des civils.

Ecoutez, pendant les négociations avec le gouvernement du président Andres Pastrana, les FARC ont libéré plus de trois cents militaires détenus. En revanche, pas un seul guérillero n’a été libéré, sachant que certains sont condamnés à des peines de cinquante et soixante ans et beaucoup d’entre eux sont malades.

Quand les FARC ont vu qu’il n’y avait aucune intention d’échanger des prisonniers, la décision fut prise de détenir des personnes politiquement importantes.

Pour Ingrid Betancourt, il n’a pas été nécessaire d’aller la chercher, car elle est entrée dans une zone de guérilla. Elle croyait qu’on ne savait rien de son appartenance à la bourgeoisie.

C’est que, dans cette guerre, la bourgeoisie n’a pas souffert !

Mais, même avec ces détenus, le gouvernement n’a pas réagi, car il n’était pas intéressé par la négociation avec échange de prisonniers, et encore moins par la paix. Uribe Velez ne jure que par la guerre.

Puisque vous mentionnez madame Betancourt, comment s’est réellement passé son sauvetage ?

C’est une opération dans laquelle sont intervenus les Français, les Israéliens et les Etasuniens. Mais le point essentiel, c’est qu’elle et le groupe des quatorze sont partis grâce à l’offre de récompense économique faite aux deux principaux responsables de leur surveillance. De plus, ils étaient peut-être entrés dans cette négociation depuis bien longtemps. Lors de la dernière preuve de vie qui a été remise, cette photo d’Ingrid où on la voit assise, le visage livide, a été arrangée. Expliquez-moi : pourquoi les responsables de sa surveillance ont laissé partir la lettre envoyée à sa mère, où elle racontait tant de mensonges sur son état de santé et sur le traitement qu’elle recevait ? A-t-elle eu besoin d’aide pour descendre de l’avion quand elle est revenue à Bogota ou à Paris ? Les examens médicaux officiels qu’elle a faits à Paris, ont-ils montré un problème de santé ?

Ceux qui se sont vendus ont cru à des promesses dont un exil doré à Paris. On ne leur a rien donné : ils sont toujours en prison et sont menacés d’extradition vers les Etats-Unis.

Il leur est arrivé la même chose qu’à l’assassin du commandant Ivan Rios, qui lui a coupé la main après l’avoir tué pour l’apporter à l’armée comme preuve : il a entrepris une grève de la faim en prison parce qu’ils n’ont pas tenu leur promesse. Et ils ne la tiendront pas.

C’est ainsi que le diable récompense ses bons serviteurs.

Madame Betancourt dit qu’elle ne retournera pas en Colombie, parce qu’elle est un objectif militaire des FARC.

Est-ce qu’avec cette histoire, elle et sa famille veulent susciter davantage de compassion et obtenir encore plus que les millions qu’ils ont obtenus avec les campagnes qui ont été réalisées et dans lesquelles tant de personnes naïves se sont laissées prendre ? Ou bien lui faut-il gonfler un peu plus son ego démesuré ? L’importance politique qu’elle avait a disparu.

Cette année 2008, les FARC ont reçu plusieurs coups durs. Est-il vrai que les FARC sont très affaiblies ?

Je ne dis pas que les FARC ont subi des coups mais des échecs. La mort de Raul Reyes, d’Ivan Rios et d’autres commandants sont des échecs. Avec la fuite d’Ingrid et du groupe des quatorze, j’en suis conscient et je le dis : c’est une bataille politique qu’on a perdue. Mais les guerres sont ainsi, on ne gagne pas des batailles tout le temps.

La direction s’est déjà restructurée. Alfonso Cano, le nouveau chef, a dit que le Manifeste Bolivarien suivait son cours, que les FARC continuent sur la même voie, militairement, politiquement et sur le plan organisationnel, et que les portes sont toujours ouvertes pour rechercher la paix et la justice sociale.

Tout le reste n’est que mensonge. Il faut arrêter de croire que les FARC seraient vaincues ou qu’elles auraient perdu le cap. Car les causes à l’origine de cette guerre n’ont fait que s’amplifier, se développer. Aujourd’hui, le peuple souffre et subit encore plus qu’en 1946. Aujourd’hui plus que jamais, le pays est dirigé depuis Washington : Uribe est un simple majordome.

On répète que beaucoup de choses vont changer dans les FARC, avec Alfonso Cano, qu’elles vont devenir « plus politiques », ou bien qu’elles vont se démobiliser.

Alfonso est un homme très intelligent et instruit. C’est un cadre politique qui va jouer un rôle important dans la direction, car dans les FARC la direction est collective. Quand elle se réunit, c’est là que tous les avis sont exposés, discutés et les décisions sont prises à la majorité. Personne ne peut éviter ce système.

Donc le fait de dire qu’avec Cano, il y a de grandes possibilités de reddition des FARC… tout cela n’est que spéculation.

Encore combien d’années de guerre le peuple colombien devra-t-il supporter ?

Malheureusement, la paix n’est pas entre les mains des FARC, mais entre celles de la bourgeoisie et de l’impérialisme.

Si Uribe, qui se prend pour un super président, était un peu intelligent et voulait la paix, il pourrait commencer par donner une issue à la guerre avec un simple décret. Les FARC sont disposées à négocier à toute heure, mais pas n’importe où, pas à n’importe quelle condition, et pas pour obtenir des postes au Congrès pour ses dirigeants.

La Colombie a besoin de paix, mais pas d’une paix de la reddition :il n’est pas question de rendre les armes en échange de rien pour la grande majorité du pays.

Ce sont les besoins du peuple qui importent pour les FARC, car ses commandants vivent près du peuple et connaissent la souffrance de ce peuple.

Une négociation politique peut-elle ouvrir le vrai chemin vers la paix ?

Regardez, les dialogues avec le gouvernement du président Pastrana, qui ont eu lieu dans la zone du Caguan, ont permis une véritable avancée. Un agenda commun a été signé ; les points des FARC et ceux du gouvernement se rejoignaient en un seul. Il suffisait de commencer à travailler.

Que s’est-il passé ? Washington et la bourgeoisie colombienne ont cru que c’était un pas vers la révolution. Alors ils ont préféré investir de nouveau dans la guerre. Sous l’impulsion du puissant consortium militaire étasunien, bien évidemment. Car c’est lui, avec la grande bourgeoisie et le commandement militaire colombien, qui a fomenté la guerre pour remplir leurs coffres.

Il est certain que parmi les bourgeoisies latino-américaines, la colombienne possède une caractéristique unique en son genre : contre ses opposants, elle recourt à l’application de la violence, de la mort. Elle veut tout résoudre en tuant ceux qui contrarient ses plans.

D’où peut bien venir cette « caractéristique » de la bourgeoisie colombienne ?

Personnellement, je l’attribue aux Espagnols, mais il faudrait faire une enquête sociologique et psychologique qui nous dise quel genre d’Espagnol est arrivé en Colombie. Quel terrible héritage ils nous ont laissé, car la violence politique des puissants dans notre pays vient du temps de la colonie !.

Seules quelques personnes folles et intéressées croient qu’on peut en finir avec la guérilla par la voie militaire et par la violence contre le peuple, mais je ne vois pas non plus actuellement la possibilité pour la guérilla de prendre le pouvoir.

Nous sommes réalistes. Pour le moment, nous ne pouvons pas les vaincre, mais un mal ne dure pas cent ans, un corps n’y résiste pas. Aucun changement social n’a été facile. Par contre, qu’on ne s’y trompe pas : tant que persistent les causes qui ont engendré la lutte, la guérilla sera invincible.

Leur propagande dit que le peuple colombien est fatigué de la guerre, et que c’est pour cela que de nombreuses personnes collaborent avec l’armée. Mais ce n’est pas vrai. S’il en était ainsi, la guérilla ne serait pas présente dans tout le pays.

La guérilla s’est repliée stratégiquement pour affronter le Plan Colombie. Les forces principales sont dans la forêt, mais il existe des combattants aux alentours de Bogota, Cali, Medellin. On ne se rend pas compte de leur présence, car il y a une base qui les cache et les soutient.

Les FARC ont organisé leur parti Communiste Clandestin, PCC, et le Mouvement Bolivarien pour une Nouvelle Colombie. Ils travaillent clandestinement avec les masses dans tout le pays, silencieusement.

Si on regarde avec objectivité, c’est Uribe le vaincu, car il n’a pas réussi à anéantir les FARC, malgré ses plans Colombie et Patrie. Avec Washington, ils ont gaspillé des milliards de dollars, et les FARC sont toujours là.

Dites moi, si ce n’est pas par la voie militaire, comment l’Etat colombien et Washington pourraient réellement ébranler les FARC ?

Si tout cet argent qu’ils investissent dans la guerre et la répression, ils l’investissaient plutôt dans la santé, l’éducation, la réforme agraire, cela remettrait peut-être en question l’existence des FARC.

Si l’on commençait à apporter des solutions aux problèmes qui constituent les causes du conflit, si l’on arrêtait d’assassiner les opposants, cela ferait logiquement baisser la tension. Les FARC ne pourraient plus dire que le peuple souffre.

Donc l’establishment a la possibilité de résoudre ce conflit, tout de suite !

Mais non : Uribe, l’impérialisme et la bourgeoisie ont la grande illusion de pouvoir défaire militairement les FARC. Et là, je le répète, ils se trompent complètement.

Dans la situation actuelle du peuple colombien, j’ai la certitude que les FARC continueront d’exister. Les FARC sont prêtes à continuer la lutte, à résister et à vaincre.

Une interview réalisée par Hernando Calvo Ospina

Collaborateur du Monde Diplomatique. Nominé au Prix Lorenzo Natali pour le Journalisme, 2005, de la Commission Européenne. Auteur, entre autres, de : Colombie, derrière le rideau de fumée. Histoire du terrorisme d’Etat, Le Temps des Cerises, Paris 2008

17 octobre 2008

SUEUR ET SANG POUR QUELQUES MORCEAUX DE SUCRE

Salut a toutes et tous

Bien des mois se sont écoulés depuis notre traversée de l'Equateur. Bien des rencontres aussi... La charmante Bérénice en stage pour quelques mois à l'alliance française de Cuenca,  Danilo et Charlotte qui remontent jusqu'au Costa Rica, des envies et des projets pleins la tête,  l'adorable Marcel,  d'Allemagne, en stage pour étudier et recenser la faune et la flore dans un des nombreux parcs naturels du pays et tout un tas de voyageurs de tout horizon, venus user leurs godasses sur le continent. Fin septembre, nous quittons donc l'Equateur, un pays de toute beauté qui mérite véritablement le detour.

Nos premiers pas en Colombie se poseront sur Bogota,  la gigantesque et redoutable capitale. Pas moins de 8 millions d'habitants qui,  depuis la toute recente mise en place d'un important dispositif militaire, auraient retrouvé une ville plus fréquentable !!.. En compagnie de Jorge et de Pascale,  qui très gentiment nous offriront " gîte et couverts " durant quatre jours,  nous découvrons les charmes insoupconnés de la "candelaria",  la "vieille"  Bogota !...

Apres milles remerciements nous quittons nos hôtes pour suivre par l'Est,  un itinéraire sécurisé jusqu'à Santa Marta,   étudié  tres soigneusement  avec Jorge.

La Colombie est un pays plus sur que ne le disent les ambassades et les consulats. Il faut juste savoir qu'il est relativement instable et qu'on ne s'y aventure pas au hasard comme on pourrait le faire dans n'importe quel autre pays. Les regions particulièrements délicates sont les zones frontalières, ( Venezuela, Pérou, Equateur) et toute la cote pacifique.  Dans l'interieur du pays,  la politique sécuritaire d'Uribe sévit !! et  les touristes,  comme les vaches de chez nous,  sont bien gardés !!..

Nous commençons donc par traverser de très jolis " pueblos ", comme Villa de Leyva qui,  ayant tout misé sur le tourisme, a semble-t-il perdu un peu de son authenticité et Barichara ( classé comme l'un des plus beaux villages colombien ),  qui nous accueille sous la pluie. Comme pour se faire pardonner de si peu d'hospitalité !,  nous asisterons a trois jours de " féria ", danses, musiques, feux d'artifices, marchés... Nous noterons aussi la rencontre des adorables Socorro et Toña, qui nous louerons par chance,  une chambrette à la hauteur de notre bourse ( car les hotels sont extrement chers ici,  et plus encore en periode de feria).

Depuis,  des villes sans charmes se succèdent et la chaleur écrasante, au fur et à mesure que nous descendons en altitude,  s'abat littéralement sur nous.  Nous voici à Barrancabermeja oú nous passons plus de temps sous le ventilateur de notre chambre d'hotel que dans les quartiers de la ville.  Alors entre deux " sudoku "!, on épluche les canards et les journaux télévisés, souvent sans contenu.
Sur internet nous prenons connaissance d'ACVC ( Associacion Campesino del Valle del rio Cimetarra  ) installée ici, dans la region de Santander.
Jusqu'à ce jour,  nos tentatives de prise de contact sont restées vaines.  Le moment est sans doute mal choisi pour une rencontre puisqu'ils viennent de subir, tout recemment, une descente policiere dans leurs locaux.
affaire a suivre donc.....

Une actualité tout de meme qui retiendra notre attention; un mouvement de greve chez les coupeurs de canne a sucre de la region de Cauca au Sud-Ouest.
Malheureusement beaucoup trop loin d'ici pour aller y faire un tour. Vous n'aurez que la traduction de l'article du journal de ce jour.


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GREVE DES COUPEURS A LA MACHETTE.
La chaleur écrasante, les piqures de moutiques, de fourmis,  les blessures,  la fatigue générale, voici ce que vivent quotidiennement les coupeurs de canne a sucre.
En greve depuis trois semaines, postés a l'entrée des entreprises de la municipalité de Florida,  ils protestent contre un travail difficile qui ne leur permet plus de vivre et de nourrir leur famille.
Avant la création des coopératives, ces coupeurs travaillaient comme employé c'est a dire avec un contrat, et touchaient des salaires plutot convenables.
-" aujourd'hui les entreprises ne nous employent plus directement," déclare Hermogenes BUENO,
-" nous sommes patron et employé a la fois, mais sans contrat. Nous sommes la matiere premiere de ce travail, nos salaires depend de la force qu'on met dans nos machettes pour couper la canne a sucre, et la rémunération depend de la quantité de canne coupée. En plus, on ne peut jamais etre present a la pesée de ce qu'on coupe chaque jour."

Le travail,  pour les coupeurs,  commence a 5h du matin, mais a 3h, les épouses se levent pour la préparer le repas qu'ils emporteront.
-" Cela fait plusieurs mois que nous ne mangeons plus de viande, ni poulet, ni poissons.
Avec 40, 50 ou meme 100 miles pesos que nous gagnons chaque semaine, nous ne mangeons que des abats avec notre riz. Et quand on peut plus, nous mangeons des oeufs ." explique Luis.AGUILAR.

Le bus qu'ils doivent prendre pour aller au travail coute 10 a 24 milles pesos par semaine.
Ils doivent aussi acheter la machette qu'ils utilisent, entre 5 et 7 mille pesos selon la qualité.
-" un bon coupeur qui fait jusqu'a 2 tonnes de canne par jour, devra acheter jusqu'a 7 machettes dans le mois." affirme L.AGUILAR .


-" Tout ne depend pas de la qualité de la machette ni de la force, il y a des parcelles plus ou moins bonnes. Par exemple "los jamangos" sont des zones trés difficiles parce que la canne est trés emmélée. Parfois elles necessitent jusqu'a 15h de travail. S'il faut on gare les camions pres des parcelles et on fini a la lueur des phares.
Car pour gagner plus, il faut couper plus. Et en faisant vite, tres souvent on se coupe. Luis, comme d'autres, a la marque d'une coupure sur le tendon d'un de ces pieds, la circulation ne se fait plus et il ne peut plus bouger les doigts.
Entre les moustiques, les fourmis, les "candellilas" (petits insectes qui penetrent dans la peau et provoquent des demangeaisons), l'odeur des feuilles pourries, il est difficile de travailler, de respirer meme et de manger durant la pause. Les plus jeunes d'entre-nous en vomissent les premiers jours." raconte H.BUENO.

Gustavo BUENO, 18 ans, fils d'Hermogenes, a rejoint son pere dans les champs de canne a sucre qui demeure la seule activité possible ici. Pour ces jeunes coupeurs la journée s'arrete a 12h afin qu'il s'habituent petit a petit a la chaleur et a la penibilité du travail.

Quant a Hugo, il travaille depuis 1976 dans les différentes entreprises de la région.  D'abord, comme employé a salaire fixe et maintenant au forfait et sans contrat. -" Je crois que depuis que j'ai quitté ma terre, je n'ai jamais vécu aussi mal.” Nous dit-il. –“Avant le travail rapporté l'équivalent de deux salaires d'aujourd'hui. Comme tous les autres je pouvais aller acheter un billet de loterie au village, a San Antonio de los Caballeros. A l'epoque, je ne savais pas comment j'allais pouvoir construire ma maison, mais maintenant chaque mois, je ne sais pas si je vais pouvoir seulement manger. Je travaille du lundi au dimanche durant deux semaines consécutives et malgre ca on en ait rendu au point de demander des avances pour acheter de quoi manger. Parfois nous avons des salaires qui ne depassent pas 22 milles pesos par semaine (tout frais payés, bus et machette), les bénéfices se sont les revendeurs, les intermédiaires qui les gagnent."

Depuis trois semaines, ils montent la garde, par groupe de 200, devant les portes des différentes entreprises de Florida. Entre jeux de domino, feux de camp, téléviseur noir et blanc et vendeurs de minutes téléphoniques, ils attendent de pouvoir reprendre la travail car la plupart n'ont aucune autre alternative. Mais ils ne le reprendront que si la situation change. Un véritable contrat de travail, des salaires decents et pouvoir assister aux pesées, voici les trois principaux points de leur revendication. Pour le moment, avec le soutien moral et financier de la population, ils sont tout a fait disposés a continuer le mouvement.

Alors qu'un de leurs dirigeants commence la lecture du dernier communiqué, on se regroupe et on écoute tres attentivement, puis une voix s'eleve " vive la greve des coupeurs" .

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- Pour indication, il faut savoir que le prix d'un repas classique (soupe, riz, viande, yucca) vaut entre 3 et 5 mille pesos et que le salaire moyen d'un employé colombien serait de 480 a 500 mille pesos par mois.

-Le mouvement regroupe 18 milles grevistes sur l'ensemble des exploitations de la region de Cauca. Sont produit ici, sur plus de 250 milles hectares de canne, 270 millions de litres de bio-carburant, pardon !! d'AGRO-carburant exportés vers les U.S.A (T.C.L), ainsi que du sucre dont 30% destiné a l'europe..... pour rendre un peu plus doux nos petits cafés du matin !!.

                                       Daniel et Celine de BARRANCABERMEJA ............ le 18 oct 08

8 octobre 2008

LA NOUVELLE CONSTITUTION EQUATORIENNE

L'Equateur ce pays de toute beauté qui nous reservera de la part de ces habitants un accueil des plus chaleureux, ne s'avèrera pas une étape militante. Toutes nos investigations resteront sans reponse. La problèmatique de la terre rencontrée au PEROU ou en ARGENTINE ne semble pas être celle des campesinos equatoriens.

Ainsi nous nous interesserons plus particulièrement à l'actualité politique puisque ce 28 sept la nouvelle constitution proposée par l'equipe gouvernementale de Rafael Correa sera soumise au vote par suffrage universel. A noter que le vote est ici obligatoire, sauf pour les 16/18 ans et les plus de 65 ans, et que toutes les expressions sont prises en compte, bulletins nuls et blancs.

Rafael Correa, a été élu en 2006 sur un programme socialiste dans la même veine que CHAVEZ au Venezuela et MORALES en Bolivie. Les thèmes principaux étant la récuperation des terres et des ressources naturelles du pays pour une redristribution equitable, la lutte contre la corruption, ainsi qu'une veritable volonté de sortir du TRAITÉ du LIBRE ECHANGE avec les Etats Unis. P9200360

Pour ceux que ca interesse, nous avons pu dénicher quelques points de la nouvelle constitution qui se presente comme: " une vision profondement humaine de la societé pour que chacun d'entre nous ait une vie digne, juste et libre" .

Budjet: Le paiement de la dette exterieure ne sera plus prioritaire. Les ressources du petrole, des douanes et des reseaux de communication seront recuperées par l'Etat et seront consacrées en priorité à l'education, aux routes, à la santé, aux campagnes de prévention, aux reseaux électriques, aux traitements des eaux, à la construction de centrales hydroélectriques et aux differentes aides sociales.

Secteur publique: Les entreprises publiques seront soumises à plus de contrôle pour plus de transparence et d'efficacité. Lutte contre la corruption. Revocation possible des maires, préfets et du president par le peuple.

Finance: Une banque sera un service financier au service de tous, non pour défendre les biens de quelques uns. L'accès au credit pour tous et de façon equitable. Les taux d'interets seront regulés. Separation des organismes financiers et des entreprises de communication.

Propriéte privée: L'etat garanti le droit à la propriété privée. Personne ne pourra être expulsé de sa terre ou de son toit. L'etat garanti le droit à la proprieté publique, communautaire, associative, coopérative, mixte qui devront accomplir leurs fonctions sociales et environnementales. Elles devront se conformer aux obligations de l'etat dans un souci d'interêt publique, comme entre autre payer des impôts et non engranger des profits à des fins spéculatives.

Justice: Une justice et des organismes de contrôle indépendants de tous partis politiques. Le recrutement des fonctionnaires sera public et transparent à travers un conseil de participation citoyenne. Les juges seront évalués de façon permanente. La justice sera gratuite pour tous.

Environnement / agriculture: Interdiction de produire et de commercialiser toutes cultures transgeniques. Seul le president et l'assemblée se reservent le droit de revenir sur cette interdiction. Subvention sur le prix de la farine, des engrais et semences.

Famille: L'etat reconnait et garanti les droits à la vie depuis la conception et assurera la protection des femmes enceintes et mères isolées. Les couples non mariés auront les mêmes droits que les autres. Augmentation de l'aide au logement.

Education: Les parents auront la liberté de choisir l'éducation de leur enfants (secteur public ou privé). L'education publique sera gratuite pour tous, sans aucune discrimination de race ou de religion, et jusqu'à 3 ans après le bac. L'accès à l'université sera indépendante des mécanismes d'évaluation. Gratuité de l'inscription, des uniformes, de la cantine. Augmentation du salaire des enseignants.

Santé: Gratuité des soins et medicaments en hopitaux publics. Recrutement de 3000 agents de santé. Campagne de prévention contre l'usage de l'alcool et autres drogues. La nouvelle constitution a été voté à 64% oui, 28% non, 7% nul, 0.8% blanc.

Constituée de plus de 400 articles, vous devrez donc vous contenter de ce petit apperçu ! Reste pour nous, quelques points non éclaircis, comme le droit à l'avortement, la reconnaissance et les droits des couples homosexuels, les droits syndicaux...entre bien d'autres choses..

..................................................................Daniel et Celine de Colombie le 08.10

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